L’envers du décor des expositions temporaires

Elles sont placardées sur les murs du métro, annoncées dans les dépliants et programmées des mois à l’avance. Lorsqu’une exposition temporaire est organisée par un musée national, elle doit rassembler une importante quantité d’œuvres d’art du même artiste pour attirer un maximum de visiteurs. Mais comment les musées nationaux et internationaux s’arrangent-ils pour exposer des toiles parfois disséminées aux quatre coins de la planète ?

Petits arrangements entre musées

L’objectif d’une exposition temporaire est de permettre à tous les amateurs d’art de contempler les œuvres d’un artiste qu’ils apprécient particulièrement. Pour les musées qui les organisent, il s’agit parfois d’un véritable casse-tête pour réunir des toiles souvent exposées dans d’autres pays. Le prêt est donc le moyen le plus utilisé entre les différentes galeries pour fournir aux visiteurs une exposition riche et intéressante. « A Orsay, on prête 2000 œuvres par an, à des musées nationaux et régionaux. En retour, ces musées savent se montrer reconnaissant lorsque [nous] les sollicit[ons] », explique Guy Cogeval, président du musée d’Orsay. Cependant, il faut parfois marchander. Certains qui ne vivent que du mécénat ou de leur billetterie, acceptent parfois de prêter leurs œuvres à la condition d’un billet « groupé », ce qui incite les visiteurs à venir également admirer leurs collections.

Un échange de tableaux est toujours gratuit : c’est la règle. Ils se font plus aisément entre musées d’un même pays, dans la mesure où les emprunts sont plus courts et les transports réduits, ce qui évite, d’endommager les toiles. Toutefois, avec la multiplication des expositions qui concentrent les œuvres de mastodontes de la peinture (Monet, Picasso, Rembrandt ou Vermeer, pour ne citer qu’eux), des millions d’euros sont en jeu. C’est pourquoi certains musées financent leurs travaux d’entretien en fournissant une exposition « clé en main », payante, à d’autres. L’intégralité de la collection est ainsi envoyée à l’emprunteur.

Lorsque les musées internationaux entrent en scène, les choses sont souvent plus difficiles. Lors de la rétrospective Monet organisée par le Grand Palais en 2012 et qui a accueilli plus de 900 000 visiteurs en un peu moins d’un an, les conservateurs ont demandé la participation de nombreux musées européens ou américains. Mais pour que La Terrasse à Sainte-Adresse, détenue par le Metropolitan Museum de New-York, soit du voyage, il a fallu envoyer, en contrepartie,  une douzaine de tableaux.

Pour pallier  ses marchandages, il n’est donc pas rare que les musées fassent également appel de temps en temps aux collectionneurs privés. La plupart accepte volontiers de partager les œuvres qu’ils possèdent avec le public, dans la mesure où le projet d’exposition leur semble de qualité.

Pourtant, loin de rivaliser pour acquérir une toile, musées internationaux et collectionneurs particuliers arrivent aussi à s’entendre lorsqu’il s’agit de protéger la cohérence d’une œuvre.

Rembrandt, un échange à part

En 2013, deux tableaux peints par Rembrandt sont mis en vente par Éric de Rothschild. Il s’agit des portraits de Maerten Soolmans et de sa femme, Oopjen Coppit, un couple de riches marchands d’Amsterdam, peints par le maître néerlandais en 1634, soit un an après leur mariage. Le Louvre, très intéressé, souhaite les acquérir mais ne dispose pas des fonds nécessaires. Il faut dire que la famille Rothschild en demandait la bagatelle de 160 millions d’euros, alors que le musée parisien ne peut dépenser que 8 millions d’euros par an pour ses acquisitions. Cela représentait environ 20 ans de crédit pour le Louvre.

Il était cependant impensable que les deux époux soient séparés après 384 ans de mariage, et envoyés dans deux musées différents. La solution est venue de l’Etat français, par le biais du cabinet de la ministre de la culture de l’époque, Fleur Pellerin. Peu de temps après, le Rijkmuseum d’Amsterdam a fait savoir qu’il acceptait d’acheter un tableau pour 80 millions d’euros si le Louvre en faisait autant. Marché conclu : la Franche a acheté Oopjen Coppit, les Pays-Bas Maertens Soolmans, son mari.

Pour être tout à fait certain que le couple restera uni par les liens du mariage, les deux toiles seront conservées ensemble au musée. Elles seront en garde alternée entre Amsterdam et Paris, et voyageront tous les 8 ans. Le 20 mars 2016, le Louvre a donc accueilli le premier les deux marchands, avec, en légende, l’historique de leur acquisition. Pour éviter les débats, il a été décidé que les toiles ne pourraient être prêtées en dehors des musées français et néerlandais, qui en sont les propriétaires. Les restaurations nécessaires à l’entretien des œuvres seront décidées conjointement. Et si les transports représentent un danger pour la conservation des tableaux, les transports amoureux permettront sans doute d’y faire face avec plus de facilité !

Chloé LOURENÇO 

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