D’aucuns pensaient qu’il en faisait déjà partie. Le mois dernier, Georges Perec, célèbre écrivain français du XXème siècle, a fait son entrée dans la prestigieuse collection La Pléiade, qui regroupe les plus grands auteurs de tous les temps, d’origine française ou étrangère. Considéré comme le plus inventif des écrivains français, Georges Perec avait réussi à donner un nouveau souffle à la littérature en jouant constamment avec les mots.
Comment oublier le récit du traumatisme de la guerre de W ou le souvenir d’enfance ? Comment ne pas être impressionné par les prouesses stylistiques de La disparition ? Enfin, comment ne pas être ému face à la quête désespérée du bonheur racontée dans Les Choses ? L’année 2017 marque la reconnaissance ultime du travail littéraire d’envergure entrepris par l’écrivain Georges Perec durant la seconde moitié du XXème siècle. La célèbre collection La Pléiade, connue pour ses éditions de luxe imprimées sur papier bible, vient de rendre hommage à l’auteur en intégrant ses oeuvres à sa prestigieuse bibliothèque.
Désormais disponible en deux grands volumes, cette nouvelle entrée à la Pléiade contient les oeuvres les plus emblématiques de Georges Perec : W ou le souvenir d’enfance, La Vie mode d’emploi, La disparition, Les revenentes ou encore L’Eternité – autant de récits récompensés par des prix littéraires de haut niveau tels que les prix Renaudot et Médicis. L’édition a notamment été publiée sous la direction de Christelle Reggiani, professeure de français à l’Université Paris-Sorbonne, qui affirme dans l’introduction des deux volumes consacrés à l’auteur que « l’oeuvre de Perec est aujourd’hui devenue classique« . L’originalité, l’intensité et la complexité des textes de l’écrivain ont été vraisemblablement déterminantes pour son entrée dans la bibliothèque de la Pléiade, qui met en lumière depuis 1931 les qualités rédactionnelles de ses membres et contribue à la consécration de ces derniers.
Complète, l’oeuvre de Georges Perec l’est assurément. Membre du groupe littéraire Ouvroir de Littérature Potentielle (plus connu sous le nom d’Oulipo), dont les illustres Italo Calvino et Raymond Queneau faisaient également partie, il a très vite affirmé son caractère inventif en créant, comme le veut la démarche oulipienne, « des structures, des formes et des contraintes nouvelles, susceptibles de permettre la production d’œuvres originales« . Tel un insatiable touche-à-tout, il se décrivait lui-même comme un « paysan cultivant plusieurs champs« , ces derniers étant au nombre de quatre : sociologique, romanesque, autobiographique et ludique.
En outre, la mémoire joue un rôle important dans les ouvrages de Perec. Dans W ou le souvenir d’enfance, le lecteur découvre le passé sombre de l’auteur, qui y raconte dans une double narration le traumatisme lié à la guerre et plus particulièrement à la disparition de ses parents, sur le front et à Auschwitz. Il évoque en détails son enfance volée : « Moi, j’aurais aimé aider ma mère à débarrasser la table de la cuisine après le dîner. Sur la table, il y aurait eu une toile cirée à petits carreaux bleus (…). Puis je serais allé chercher mon cartable, j’aurais sorti mon livre, mes cahiers et mon plumier de bois…« . L’écriture lui permet alors de mettre les mots sur ses maux.
C’est en 1982 que Georges Perec nous a prématurément quitté, âgé seulement de 45 ans. Christelle Reggiani justifie l’hommage à l’auteur en soulignant sa grandeur : « A ce qui pourrait avoir l’allure d’une gageure – comment faire d’un orphelin juif d’origine polonaise un (grand) écrivain français ? – l’écriture répondra par l’éclatante réussite de l’oeuvre, dont l’entrée dans la Pléiade entérine le caractère patrimonial« . L’entrée de Perec dans la Pléiade fera sans nul doute le bonheur des lecteurs assidus de l’été désireux de découvrir ou redécouvrir ses histoires.
Virginie CARDOSO