Le discours de la cheffe du gouvernement polonais n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. La semaine dernière, alors qu’elle s’était rendue à Auschwitz afin de commémorer le 77ème anniversaire du premier transport de prisonniers dans le camp nazi, Beata Szydło a tenu des propos controversés qui ont choqué ses auditeurs.
« Dans notre époque trouble, Auschwitz est une grande leçon qu’il faut tout faire pour défendre la sécurité et la vie de ses citoyens. », c’est la phrase prononcée par la Première ministre polonaise Beata Szydło qui a suscité l’indignation dans le pays et partout ailleurs en Europe. Déclarés au moment des commémorations du 77ème anniversaire du premier transport de prisonniers dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz, ces propos ont été considérés par de nombreuses personnalités politiques comme une défense de la position anti-migratoire du gouvernement ultraconservateur polonais.
Les réactions à cette polémique ne se sont pas fait attendre. Le président du Conseil européen Donald Tusk, lui-même ancien Premier ministre de la Pologne, a rapidement exprimé son mécontentement : « De telles paroles ne devraient jamais être prononcées à cet endroit par un Premier ministre polonais. », a-t-il déclaré sur son compte Twitter dans sa langue maternelle. La présidente du groupe politique des libéraux au Parlement polonais, Katarzyna Lubnauer, a elle aussi fait comprendre son indignation : « Si Mme Szydlo avait consulté un manuel d’histoire, elle saurait qu’Auschwitz était le résultat d’une politique de haine vis-à-vis de personnes d’autres nationalités. La Première ministre polonaise a exploité la cruauté d’Auschwitz pour que les Polonais aient peur des réfugiés. », a-t-elle souligné de manière cinglante.
Si l’un des représentants des institutions européennes s’est vivement manifesté, ce n’est pas seulement parce que le discours de la cheffe de gouvernement est insoutenable, mais également parce que la Pologne est en ce moment dans le collimateur de Bruxelles. En effet, la veille des commémorations, la Commission européenne avait pris la décision d’enclencher une procédure d’infraction à l’égard de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque en raison de leur refus d’accueillir des réfugiés sur leur territoire, comme cela était initialement prévu par Bruxelles. Dans le cas de la Pologne, plusieurs membres du gouvernement avaient ouvertement fait l’amalgame entre réfugiés musulmans et terroristes. Suite aux vaines mises en garde, l’Union européenne a décidé de sanctionner pour de bon les Etats membres qui refuseraient de faire preuve de solidarité envers les demandeurs d’asile.
Il y a quelques semaines, Mme Szydlo avait à nouveau provoqué l’UE en affirmant devant le Parlement que « la Pologne n’acceptera aucun chantage de l’Union européenne » en matière de politique migratoire. Elle avait ensuite ajouté : « J’ai le courage de demander aux élites politiques : où va l’Europe ? (…) Nous n’allons pas participer à la folie des élites bruxelloises ». Les récentes déclarations faites à Auschwitz pourraient bien aggraver le cas de la Première ministre.
Virginie CARDOSO