Après vingt-huit ans de lutte pour retrouver leur droit, les Chiliennes célèbrent aujourd’hui la décision du Tribunal constitutionnel de dépénaliser partiellement l’avortement thérapeutique. Les femmes dont la vie est en danger, qui ont été violées ou dont le fœtus est jugé non viable pourront désormais avoir recours à l’IVG.
Le long chemin vers le droit à l’IVG
“Aujourd’hui, les femmes ont gagné, la démocratie a gagné et le Chili a gagné”, a déclaré la présidente du Chili, Michelle Bachelet, suite à la décision historique du Tribunal constitutionnel. L’annonce de la légalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) a provoqué une vague d’enthousiasme et de soulagement parmi les militants pro-choix, qui luttaient depuis vingt-huit années pour retrouver leur droit. En effet, jusqu’ici, le Chili figurait encore parmi les rares pays tels que le Honduras ou le Nicaragua à interdire le recours à l’avortement même dans le cas où la vie de la femme est en danger pendant sa grossesse. La loi prévoyait des peines de prison de trois à cinq ans pour celles qui la transgressaient.
Il s’agit là d’une véritable victoire pour les Chiliennes, dont plusieurs se battaient contre l’opposition de droite qui menaçait d’empêcher le projet de loi de passer, et pour Michelle Bachelet, la présidente du Chili, qui avait promis durant sa campagne électorale de dépénaliser à nouveau le droit à l’avortement. La cheffe d’Etat n’était heureusement pas seule pour mener ce combat : plus d’une centaine d’organisations de la société civile ont travaillé ensemble pour faire entendre leur voix auprès des plus sévères conservateurs et de l’Eglise catholique. Une union qui a véritablement fait la force.
Un droit qui semblait pourtant acquis
Si l’avancée partielle qui est aujourd’hui célébrée est bel et bien historique pour l’Amérique latine, il est important de rappeler que le Chili n’a pas toujours connu cette interdiction. Originellement acquis en 1931, le droit à l’IVG a existé pendant plus d’un demi-siècle au Chili. Il avait d’ailleurs été accordé aux femmes avant même que celles-ci n’obtiennent le droit de vote (1949).
Mais l’arrivée au pouvoir du dictateur Augusto Pinochet en 1973 bouleverse profondément la société chilienne. Peu soucieux de la protection des droits de l’homme, Pinochet interdit totalement l’IVG quelques mois avant sa passation de pouvoirs avec Patricio Alwyn.
Une enquête récente a cependant démontré que le débat sur l’avortement divise encore le Chili. En effet, si 71% de la population se prononcent en faveur de la loi adoptée, seuls 15% des Chiliens souhaitent aujourd’hui la libéralisation totale de l’IVG. Toujours est-il que cette dépénalisation partielle fera diminuer le nombre d’avortements clandestins, souvent très dangereux pour la santé de la patiente.