Comme chaque année depuis 1988, le Parlement européen a décerné jeudi 26 octobre le prix Sakharov « pour la liberté de l’esprit ». Après deux femmes Yézidies rescapées de Daech en 2016, c’est aujourd’hui l’opposition démocratique vénézuélienne qui est récompensée cette année.
Qu’est-ce que le Prix Sakharov?
Le prix Sakharov, destiné à «honorer des personnalités collectives ou individuelles qui s’efforcent de défendre les droits de l’homme et les libertés fondamentales», a été créé en 1988. Il tire son nom du dissident soviétique Andreï Sakharov (1921-1989), récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1975. Ce dernier est également le créateur de la bombe à hydrogène de l’URSS. Inquiet des conséquences que pourraient avoir son invention sur les droits de l’homme, il lance en 1970 un comité de défense de ces mêmes droits. Considéré comme dissident pour les autorités russes, il est envoyé en exil à Gorki, où il apprend que le Parlement européen souhaite créer un prix portant son nom, récompensant tous les défenseurs des droits de l’homme dans le monde entier.
Nous sommes en 1984 et depuis lors, chaque année le Parlement européen honore sa promesse. Le premier prix Sakharov (1988) a été attribué conjointement à titre posthume à Anatoli Martchenko, lui aussi dissident russe, et à Nelson Mandela.

Qui est le lauréat 2017?
Le 26 octobre, le Prix Sakharov a été remis à l’opposition démocratique au Venezuela, qui lutte depuis plusieurs mois contre le gouvernement dictatorial de Nicolas Maduro.
Ce prix est donc décerné à l’Assemblée nationale de Julio Borges et les prisonniers politiques dont les noms ont été transmis par le Foro Penal Venezolano (Forum Pénal vénézuélien) représentés par Leopoldo López, Antonio Ledezma, Daniel Ceballos, Ton Goicoecha, Lorent Saleh, Alfredo Ramos et Andrea González.
L’opposition vénézuélienne se verra décerner son prix, accompagné d’une somme de 50.000 euros, lors d’une cérémonie qui se tiendra le 13 décembre prochain en séance plénière à Strasbourg. Elle succède à Nadia Murad et Lamia Haji Bachar, deux femmes yazidies rescapées de Daech (2016), mais aussi au gynécologue Denis Mukwege (2014), à Malala (2013), à l’ONU et son secrétaire général Kofi Annan (2003), aux Mères argentines de la place de Mai (1992), à Aung San Suu Kyi (1990)…
« Plus de 130 morts et plus de 500 personnes emprisonnées arbitrairement »
La situation au Vénézuela est critique depuis de nombreuses années. Le pays possède des réserves de pétroles importantes, et pourrait vivre dans l’opulence. Mais dirigé par Hugo Chavez puis par son dauphin, Nicolas Maduro, il sombre dans la violence et la pauvreté. L’opposition vénézuélienne qui recevra officiellement son Prix Sakharov lors d’une cérémonie au Parlement européen au cours d’une sessions plénière en décembre, oeuvre pour que les droits de l’homme soient respecté dans le pays.
Le parti au pouvoir n’a de cesse de restreindre l’état de droit, allant jusqu’à priver l’Assemblée nationale de son chef, Julio Borges, pourtant élu démocratiquement en mars 2017. Par ailleurs, le nombre de blessés, de disparus ou de morts ne fait qu’augmenter. Selon le Foro Penal Venezolano, une organisation de premier plan qui veille au respect des droits de l’homme et fournit une aide juridique bénévole à ceux dont les moyens sont limités, annonce que plus de 600 personnes ont été arrêtées et emprisonnées arbitrairement depuis le début de la crise, et plus de 130 personnes sont mortes.
Avec ce prix, la communauté européenne espère bien attirer la lumière sur cette crise qui semble infinie. Gageons que l’avenir lui donnera raison.
Chloé LOURENÇO