Fémin’histoire #8 : Eugénie Niboyet

Ingénieuse Eugénie

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  Écrivaine, militante féministe politique, femme de presse, Eugénie Niboyet fait partie des figures historiques que Voix d’Europe souhaite mettre en lumière, en partie pour son combat en faveur du journalisme féminin – une juste cause devenue réalité lorsqu’elle fonda en 1848 La Voix des femmes, « journal socialiste et politique, organe d’intérêts pour toutes les femmes ».

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Le goût de l’écriture

  Le 4 juillet 2016, à l’issue du Conseil Municipal du 7ème arrondissement de Lyon, des dénominations ont été attribuées à plusieurs nouvelles voies construites dans la ville. Parmi elles se trouve une allée portant le nom d’Eugénie Niboyet. Thérèse Rabatel, adjointe au Maire de la capitale des Gaules, avait alors déclaré : “C’est une action symbolique, mais signifiante pour marquer la contribution des femmes dans la vie de notre pays et de Lyon« .

  Mais qui est donc cette Eugénie Niboyet dont le nom a été inscrit il y a seulement un an dans l’histoire de Lyon ? Née en 1796 à Montpellier, Eugénie Niboyet grandit au sein d’une « famille lettrée, d’origine genevoise« . Son grand-père, Pierre Mouchon, pasteur de profession, est l’auteur d’une table analytique et raisonnée de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. A 26 ans, la jeune femme épouse un avocat lyonnais, Paul-Louis Niboyet, mais une autre passion ne tarde pas à conquérir son coeur : l’écriture. Quelques années après son mariage, Eugénie Niboyet se lance concrètement dans cet exercice littéraire et monte à Paris, où elle devient, dès 1829, active en tant qu’écrivaine et journaliste. Une femme de lettres est alors née.

  Progressivement, ses écrits sont repérés et récompensés pour leur qualité. Après s’être essayée à l’écriture purement littéraire (notamment en rédigeant des pièces de théâtre), Eugénie Niboyet change de registre pour aborder des sujets de société, tels que le combat pour l’éducation, la paix ou encore l’abolition de l’esclavage. C’est à ce moment qu’elle bascule vers le journalisme : de retour à Lyon en 1833, elle crée sa première revue hebdomadaire d’éducation féminine qu’elle nomme Le Conseiller des Femmes, adressée aussi bien aux ouvrières qu’aux bourgeoises, dans laquelle elle écrit : « Nous n’écrivons pas pour les esprits étroits qui veulent borner la femme aux soins du ménage. Les femmes n’ont plus à acquérir leur liberté, mais à l’exercer« .  Sa frénésie journalistique continue lorsqu’elle fonde à Paris, en 1836, la Gazette des femmes, dont l’ambition est de « débattre de la lutte pour l’exercice des droits politiques et civiques des femmes« . Les rédacteurs et abonnés du journal, telles que Flora Tristan ou Anaïs Ségalas, se réunissent régulièrement pour approfondir ce sujet. Incontestablement, à ce moment précis, la femme de lettres a laissé place à la femme de presse.

Une voix pour les femmes

  En 1848, la révolution éclate et le roi Louis-Philippe abdique. Le gouvernement provisoire, mené par Alphonse de Lamartine, proclame la Deuxième République et entreprend en quelques jours des réformes sociales sans précédent : la liberté de presse et de réunion est annoncée, le ministère du Travail est créé, les élections au suffrage universel sont instaurées. Eugénie Niboyet profite de ce mouvement de progrès social pour fonder et diriger un journal exclusivement consacré aux femmes et à leurs droits. Un mois après la révolution, elle lance le quotidien La Voix des femmes, « journal socialiste et politique organe d’intérêts pour toutes les femmes« . Et l’éditorial du premier numéro annonce directement la couleur sur le nouveau projet d’Eugénie Niboyet : « Une grande révolution vient de s’accomplir« .

  La Voix des femmes se revendique féministe et promeut l’émancipation de la femme, que ce soit dans la sphère privée ou en politique. Les membres du journal considéraient notamment que l’éducation, le droit de vote, le droit à la propriété ainsi que la sécurité financière étaient d’une nécessité absolue pour les femmes. Pourtant, la vie de ce quotidien ne sera que de courte durée : suite à l’affaire avec George Sand, qui a désavoué la proposition de La Voix des femmes de la faire élire à l’Assemblée constituante, la réputation du journal est rapidement souillée. Eugénie Niboyet finit par cesser toute publication de sa revue le 20 juin 1848, soit à peine plus de trois mois après sa création.

  Elle se retire alors de la vie publique tout en restant investie dans son combat pour les droits des femmes. Ce n’est que bien des années plus tard, en 1863, qu’Eugénie Niboyet décide de reprendre sa plume pour rédiger Le Vrai Livre des Femmes, dans lequel elle s’adresse cette fois-ci aux hommes : « Vous savez bien que nous ne voulons pas nous faire descendre, mais vous craignez de nous voir monter. Que demandons-nous, si ce n’est ce qui nous est dû ? Quel est notre but ? L’intérêt de celles qui souffrent« . Son engagement est finalement mis à l’honneur au Congrès féministe de Paris de 1878, soit cinq ans avant sa mort.

  Plus d’un siècle plus tard, la ville de Lyon reconnaît enfin le travail et le courage d’Eugénie Niboyet et la célèbre en ancrant son nom dans l’espace public – une excellente nouvelle que la Lyonnaise n’aurait pas manqué de publier dans son journal.

Virginie CARDOSO

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