Depuis dimanche l’Allemagne pousse un soupir de soulagement. Le référendum interne au SPD a permis de ratifier l’accord sur une grande coalition avec le parti d’Angela Merkel. Pendant 5 mois, le pays n’a pas eu de gouvernement légitime, c’est maintenant chose faite. Et avec les Allemands, c’est l’Europe toute entière qui souffle. Secouée par le Brexit, l’Union européenne a besoin d’une Allemagne solide.
Du jamais vu depuis la Guerre
161. C’est le nombre de jours qu’il aura fallu à l’Allemagne pour trouver un gouvernement. Les militants SPD on fini par dire « oui » à la proposition de coalition CDU-CSU. A la grande coalition sortante CDU-CSU dirigée par Angela Merkel, succèdera finalement une grande coalition CDU-CSU dirigée par Angela Merkel. Tout ça pour ça ?
Il faut dire que même avec cette crise et cette absence de gouvernement, l’Allemagne n’a presque pas souffert. «On a eu de la chance. On a peu remarqué qu’il manquait à l’Allemagne un gouvernement capable d’agir», souligne Jens Hacke, professeur de sciences politiques à l’université de Wittemberg. Après tout, l’économie allemande se porte à merveille, avec un taux de croissance en 2017 de 2,2 %. La tendance devrait se poursuivre avec insolence. Six mois sans gouvernement ont à peine affecté le moral des entreprises.
La chancelière peut tout de même remercier les sociaux-démocrates qui lui permettent de conserver son poste. Si le « non » l’avait emporté, un gouvernement minoritaire aurait été constitué et de nouvelles élections auraient été organisées. Le SPD a donc dit accepté une grande coalition avec la CDU d’Angela Merkel, ce qui est loin d’être nouveau. Effectivement, si le procédé n’avait été utilisé qu’une fois en un demi-siècle (entre 1966 et 1969), il est devenu monnaie courante depuis l’arrivée au pouvoir de la chancelière, en 2005. Cette dernière a déjà travaillé deux fois avec le SPD (2013-1017) et une fois avec les libéraux (2009-2013).
Une « nouvelle coalition » pas si nouvelle que ça
Malgré son air de « déjà-vu », cette coalition ne ressemble pas aux précédentes. Au Bundestag, la CDU-CSU (246 députés) et le SPD (153 députés) disposeront bien d’une majorité pour gouverner. Cette formation sera néanmoins beaucoup plus étroite que la précédente, en raison du recul des deux formations lors des élections législatives. Le 24 septembre 2017, la CDU-CSU a en effet recueilli 33 % des voix, soit 7,5 points de moins qu’en 2013. Le SPD a quant à lui obtenu 20,5 % des suffrages, en recul de 5,2 points par rapport à 2013. Ensemble, conservateurs et sociaux-démocrates restent donc majoritaire, mais bien moins fortement qu’ils ne l’étaient en 2013.
Un vote de raison
Le résultat de la consultation interne le montre : 66 % des adhérents du SPD ont donné leur accord à une « grande coalition ». C’est une majorité nette, mais une majorité moins forte qu’en 2013 : à l’époque, ils avaient été 76 % à dire oui. C’est surtout une majorité dont le sens politique ne doit pas être ignoré. Peu de sociaux-démocrates ont en effet voté oui par enthousiasme. La plupart l’ont fait par raison. Beaucoup l’ont fait également par peur : en cas de nouvelles élections, les sondages prédisaient en effet que le SPD passerait cette fois sous 20 % des voix, avec un risque de le voir talonné, voire dépassé, par le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Pour éviter ce risque, beaucoup des 463 723 adhérents ont donc préféré voter oui, même s’ils estimaient que le contenu du « contrat de coalition » ne leur était pas assez favorable, ou que la reconduction d’une telle alliance avec les conservateurs est suicidaire, à terme, pour la social-démocratie. (Source : LeMonde)
« Je félicite le SPD pour ce clair résultat et je me réjouis du travail en commun que nous allons poursuivre pour le bien de notre pays », a réagi Mme Merkel, dimanche matin. Désormais, la voie à sa reconduction à la tête du gouvernement est libre. Il ne reste plus qu’à attendre les distributions de portefeuilles. Si l’on sait déjà que les finances iront à Olaf Scholz, le maire de Hambourg, qui sera également vice-chancelier, quatre ministères restent à pourvoir : justice, travail, environnement, famille et surtout affaires étrangères, dont on ne sait pas si l’actuel titulaire du poste, Sigmar Gabriel, sera ou non retenu dans la liste.
Chloé LOURENÇO