Elle avait 38 ans, était mère de famille et avait dédié sa vie à la défense des droits des populations marginalisées et des femmes noires. Depuis mercredi 14 mars, le Brésil pleure la disparition de Marielle Franco da Silva, conseillère municipale de Rio de Janeiro, assassinée par balles. Le motif de son exécution reste encore inexpliqué.

Du sang et des larmes
Comme trop souvent au Brésil, l’engagement militant et la volonté de transformer la société se sont une nouvelle fois soldés dans le sang et les larmes. Marielle Franco, largement connue dans le pays pour ses combats acharnés en faveur des femmes et des Noirs -et très souvent des deux à la fois !- a perdu la vie avec son chauffeur, Anderson Gomes. Cinq balles dans la tête, rien de moins. Sa mort n’est hélas pas surprenante : » Au Brésil, un jeune afro-descendant meurt toutes les 21 minutes », rappelle Maurizio Giuliano, directeur du Centre d’Information des Nations Unies pour le Brésil, au micro de la BBC.
Dans un pays gangrené par la corruption et la violence, défendre les droits de l’Homme relève du défi, voire de l’inconscience ou de la mission suicide.
Un pays sous le choc
L’affaire met actuellement le pays en émoi, alors que les militaires ont été appelés à remplacer la police à Rio de Janeiro. Il faut dire que Marielle Franco n’était pas n’importe qui : née le 27 juillet 1979 dans la favela Complexo da Maré, dans la Zona Norte de Rio, elle avait réussi à conquérir une place au conseil municipal, sous la bannière du Parti Socialiste et Liberté (PSOL).
Férocement opposée au déploiement des forces militaires au Brésil, Marielle Franco avait été désignée rapporteuse de la Commission créée par la chambre municipale pour surveiller l’action des forces de l’ordre et éviter les débordements dans les quartiers défavorisés.
Après l’annonce de sa mort, des milliers de Brésiliens, choqués, sont descendus dans la rue pour hurler leur colère. Le motif du crime reste encore obscur. Une bonne partie de la population y voit cependant une vengeance de la part des policiers. La télévision locale de Rio, RJTV, déclarait que les douilles retrouvées près des victimes proviendraient de lots de cartouches vendues à la police fédérale de Brasilia en 2006.
« Enfant des favelas » et porte-parole des discriminés
Sociologue, militante, défenseur des droits de l’Homme et de la cause féministe, Marielle Franco avait tout pour déplaire. Elle faisait pourtant partie de ses Brésiliens trop rares qui ont réussi à gravir les échelons d’une société où la couleur de la peau et les origines sociales sont prépondérantes. A force de luttes acharnées, elle se donnait la mission de faire entendre la voix de ceux qui ne l’ont plus ou qui ne l’auront jamais.
Juste avant de mourir, elle avait relayé sur Twitter de très graves accusations, portés par les habitants d’une favela contre une organisation militaire de Rio. « Ce qui se déroule actuelle à Acar [nom de la favela, ndlr] est une absurdité ! Et cela se produit depuis toujours ! Le 41è bataillon de la Police Militaire est bien connu comme étant le Bataillon de la Mort. ARRÊTEZ de tabasser la population ! ARRÊTEZ de tuer nos jeunes » déclarait-elle sur le réseau social.

Depuis la mort de la militante, des députés européens, révoltés, ont appelés à une suspension des négociations avec le Mercosur. Le parti espagnol Podemos a même fait pression sur la Commission européenne pour suspendre les pourparlers en cours. Samedi 17 mars, une marche blanche en soutien à Marielle Franco était organisée à Paris.
Chloé LOURENÇO
Une réflexion sur “Brésil : quand les convictions tuent”
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