Mardi 3 avril, la SNCF entamait une grève dite « perlée », reconduite jusqu’à la fin du mois de juin. Le procédé utilisé est simple : 2 jours de grève sur 5, le tout pendant 3 mois. Le but ? Faire plier le gouvernement Macron sur l’ouverture à la concurrence des EPIC. La Grande-Bretagne est une pionnière de la privatisation de son chemin de fer. Zoom sur ce pays européen qui a poussé sa réforme le plus loin. Pour le meilleur ou pour le pire ?
EPIC, kezako ?
En France, un établissement public à caractère industriel et commercial (ou EPIC) est une personne morale de droit public assurant la gestion d’une activité de service public. Il s’agit soit d’une création pure, soit d’une nationalisation très ancienne, effectuée par souci d’efficacité et de contrôle de secteurs sensibles dont le fonctionnement est essentiel, comme pour la SNCF.
Si l’on entend aujourd’hui beaucoup parler de ces EPIC dans l’Hexagone, c’est parce que le gouvernement Macron souhaite casser leur situation de monopole, conformément à la demande de l’Union européen.
En Europe, le pays qui a poussé le plus loin la réforme du rail, c’est la Grande-Bretagne. Peut-on s’en inspirer ?
Le Royaume-Uni, modèle de réforme ferroviaire ?
La réforme entreprise outre-Manche est sans doute l’une des plus intéressantes d’Europe, et cela pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle a été lancée au milieu des années 1990, par le gouvernement de John Major. Nous disposons donc d’un recul suffisant pour s’en faire une idée assez précise. Ensuite parce qu’elle a été l’une des plus radicales. Le réseau a été littéralement vendu à l’encan en une centaine de morceaux environ, avec pas moins de 25 franchises attribuées au privé.
AUjourd’hui 71% de ces lignes sont gérées par du privé étranger, dont Keolis, la filiale de la SNCF, ainsi que la Deutsche Bahn, les chemins de fer allemands. Vingt-cinq ans après la privatisation, le nombre de voyageurs a considérablement augmenté, passant de 760 millions à 1,7 milliards. Mais la croissance de la démographie et l’urbanisation sont des facteurs importants et qu’il faut prendre en compte.
Amélioration du réseau ?
Pas tout à fait, puisque le taux de satisfaction des usagers est désastreux. Si les usagers français se plaignent régulièrement du retard des trains, les Britanniques, eux, malgré leur caractère flegmatique, endurent quotidiennement des retards de plus de 30 minutes. Et cette situation les agace au plus au haut point.
Les grèves deviennent monnaie courante. Sur une ligne du sud de Londres par exemple, un mouvement de protestation aura duré 15 mois. Le motif ? Les conducteurs refusaient de fermer eux-mêmes les portes des wagons. En plus, les voyageurs ne payent pas moins cher ! Un utilisateur anglais paie 13% de son salaire mensuel pour les transports, contre 3% en Italie et seulement 2% en France. Si les franciliens rechignent à débourser 75€ pour leur passe Navigo, outre-Manche il faut compter 450€ pour avoir le droit de se déplacer quotidiennement en train.
Dans le même temps, les installations ne sont pas plus modernes que chez nous. Le Royaume-Uni enregistre même les taux les plus bas en ce qui concerne l’électrification des son réseau.
Où est l’avantage ?
Cela coûte tout de même moins cher à l’Etat britannique : 5 milliards d’euros par an seulement, soit le tiers de ce que paye la France. Mais de l’autre côté du channel, c’est l’usager -ou plutôt le client- qui a la charge d’une grosse partie du billet, alors qu’en France, c’est le contribuable.
Retour en arrière ?
Petit à petit, des entreprises gestionnaires qui avaient été privatisées il y a 25 ans sont renationalisées. L’opinion générale a même changé, souhaitant à 76% que l’Etat reprenne le contrôle des chemin de fer britannique. Qu’il les renationalise, donc.
Un bémol toutefois. L’option choisie par la Grande-Bretagne dans les années 1990 a été brutale et radicale, ce qui n’est pas tout à fait semblable à ce que propose le gouvernement Macron. Les économistes le rappellent : si une ouverture à la concurrence est possible, une privatisation intégrale n’est pas du tout adaptée aux « monopoles naturels ».
Chloé LOURENÇO