Dans ce pays où l’intervention est strictement interdite sauf dans le cas où la grossesse fait courir un « risque réel et substantiel » pour la mère, l’annonce en septembre dernier d’un référendum sur le droit à l’avortement par le Premier ministre Leo Varadkar est loin d’être tombée dans l’oreille d’un sourd. Le 25 mai, les Irlandais ont fait un choix historique en votant majoritairement en faveur du droit à l’IVG.
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Large victoire du vote pro-choix
Avec plus de 66% de « oui », l’Irlande a voté en faveur de la légalisation de l’avortement – sujet particulièrement sensible depuis des décennies en raison de la forte tradition catholique du pays. Désormais, les Irlandaises auront la possibilité d’interrompre leur grossesse jusqu’au troisième mois sans condition ; jusqu’ici seules les mères dont la santé était mise en danger par leur gestation étaient autorisées à demander une IVG. Il s’agit d’une avancée historique pour ce pays qui fait partie des Etats membres de l’UE – avec Malte, Chypre et la Pologne – qui restreignent fortement le recours à l’avortement.
Le 26 septembre 2017, le Premier ministre récemment élu à la tête du pays, Leo Varadkar, avait annoncé l’organisation d’un référendum sur la libéralisation de l’avortement, se déclarant par la même occasion en faveur de l’intervention. Dès lors, les militants pro-choix et pro-vie ont redoublé d’efforts pour faire campagne auprès des citoyens et convaincre un maximum de votants. Les partisans de l’abrogation du 8ème amendement de la Constitution d’Irlande, qui prohibe de fait l’avortement depuis 1983 en reconnaissant le « droit égal à la vie de la mère et de l’enfant à naître« , se sont largement mobilisés avec leur mouvement Together 4 Yes (Ensemble pour le « oui »).
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Près des deux tiers des 3,3 millions d’électeurs irlandais se sont rendus aux urnes le 25 mai dernier afin d’exprimer leur volonté de faire progresser, ou non, les droits des femmes. Les électeurs ayant le plus voté en faveur de la libéralisation de l’avortement sont les jeunes de moins de 25 ans (87%) et les femmes (70%). Les hommes ont également été particulièrement nombreux à se positionner en faveur de l’IVG (65%). Enfin, même si ce score est plus faible que celui de l’électorat jeune, il ne faut pas négliger les 63% de « oui » exprimés par les 50-64 ans, issus d’une génération plus conservatrice ayant toujours assimilé le fait que l’intervention devait rester strictement interdite.
Le (très) long chemin vers le droit à l’avortement
Un vent de révolution semble donc aujourd’hui souffler sur cet État conservateur où la religion catholique a toujours eu une grande influence sur les mœurs. La lutte contre l’avortement en Irlande remonte en réalité au XIXème siècle : la loi de 1861 sur les infractions commises contre les personnes physiques rend l’IVG illégale et passible d’emprisonnement. C’est cette loi qui a été renforcée en 1983 par l’adoption du 8ème amendement de la Constitution d’Irlande par référendum interdisant de fait toute interruption volontaire de grossesse, même en cas de viol ou d’inceste. Neuf ans plus tard, en 1992, l’avortement hors Irlande devient légal. Les 13ème et 14ème amendements prévoient en effet le droit de partir dans un autre pays pour avorter et de s’informer sur les services légalement disponibles à l’étranger.
Ce n’est qu’en 2013 que l’avortement a été autorisé dans le cas où la grossesse présente un danger réel pour la mère. Cette décision a fait suite au décès tragique en 2012 de Savita Halappanavar d’une septicémie fulgurante à l’hôpital de Galway. La jeune femme s’était en effet vu refuser un recours à l’IVG alors même qu’elle était victime d’une rupture précoce de la membrane. Après ce scandale, la loi a été assouplie, mais demeurait tout de même l’une des plus restrictives d’Europe.
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Chaque année, près de 5000 Irlandaises se rendent au Royaume-Uni ou commandent des pilules abortives en ligne pour pouvoir librement disposer de leur corps. Traitées comme des criminelles dans leur pays si elles avortent, ces femmes risquaient jusqu’ici une peine maximale de quatorze ans de prison. Désormais, grâce à la légalisation de l’intervention, les Irlandaises pourront bénéficier d’un suivi médical et décider de mettre un terme à leur maternité sans condition jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. Le nouveau projet de loi prévoit également que les Irlandaises dont la santé est mise en danger par leur gestation auront la possibilité d’avorter jusqu’à la 24ème semaine de grossesse. Au-delà, l’IVG ne pourra être réalisé qu’en cas de malformation du fœtus.
Virginie CARDOSO