Mercredi 25 septembre, Ariane5 réussissait son centième lancement. La fusée devait, cette fois-ci, placer en orbite deux satellites de télécommunications. Ce même jour, Ariane célébrait un autre anniversaire, celui de son 300ème lancement depuis sa création en 1979. L’occasion était parfaite pour revenir sur le parcours exceptionnel d’un lanceur européen. Explications.
Guerre des étoiles
Dans les années 1960, l’Europe naît et se développe. Le traité de Rome à peine signé, que déjà la communauté scientifique appelle de ses voeux la création d’un programme spatial européen. Effectivement, les programmes russes et américains font des avancées rapides et fulgurantes, ouvrant de nouvelles perspectives, notamment dans l’astronomie et la physique. Le programme Europa est lancé dès 1961 avec l’accord du Général de Gaulle. Il repose avant tout sur les essais réalisés par les Britanniques, les Français et les Allemands. Trois ans plus tard, en 1964, le premier tir d’Europa est réalisé avec succès. Toutefois, les étages allemands et français qui constituaient la fusée ne sont pas encore tout à fait aboutis ni très adaptés au marché des télécommunications qui se dessinait.
Jusque-là, la base de lancement d’Europa était situé en Australie, mais avec la participation de plus en plus importante des Français, ces derniers demandent à ce que la base de lancement soit transférée à Kourou, en Guyane française. Cela froisse les Britanniques, et, suites à plusieurs divergences et des échecs de lancement, le programme Europa est abandonné. Cependant, ces premiers tests et les travaux nécessaires qui en ont découlé amèneront à créer le programme Ariane dès le début des années 1970.
Naissance d’Ariane
Le lancement du projet ne put avoir lieu fin 1973 qu’après de délicates négociations entre les gouvernements de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni : les Britanniques préféraient financer leur satellite maritime MAROTS, les Allemands leur module Spacelab emporté par la navette spatiale. Les États-Unis tentèrent de détourner les pays européens de leur intention de développer leur propre lanceur mais les restrictions imposées en échange de l’utilisation de leurs lanceurs, en particulier pour le lancement du satellite Symphonie apportèrent des arguments à l’appui de la position du gouvernement français qui souhaitait que l’Europe devienne autonome pour le lancement de ses satellites. Le à Bruxelles, les pays européens parvinrent à un accord qui permettait de financer simultanément les projets préconisés par les principaux participants dont le projet Ariane.
Pour parvenir à un accord, les responsables français acceptent de prendre en charge 60 % du budget et s’engagent à payer tout dépassement de plus de 120 % du programme. En contrepartie, les établissements responsables du développement sont français : l’agence spatiale du CNES est maîtresse d’œuvre et l’Aérospatiale est l’architecte industriel. Le choix d’un responsable unique doit permettre d’éviter les errements du projet Europa. Le programme Ariane coûtera 2,063 milliards de francs. Pour baptiser le lanceur, le CNES lance un appel à idées. Parmi les propositions retenues : Phénix, Véga, la Lyre, le Cygne. Le directeur général du CNES Michel Bignier propose sa liste au ministre Jean Charbonnel, qui décide finalement de nommer le lanceur Ariane (du nom de l’héroïne mythologique grecque Ariane).
Et voilà comment, presque 47 ans et 5 générations de lanceurs après, Ariane fait toujours recette dans le domaine astronomique.
L’heure de la retraite approche
En service depuis 22 ans, Ariane 5 est auréolée depuis plusieurs années d’une réputation de fiabilité. Mais l’heure de la retraite approche. Trop coûteuse à produire, pas assez polyvalente, elle va devoir céder peu à peu la place, entre 2020 et 2023, à sa remplaçante Ariane 6, plus adaptée au paysage spatial mouvant et très concurrentiel de ce début de siècle.
Pourtant, les débuts d’Ariane 5 ont été difficiles et quelques échecs. Il aura fallu trois ans à l’entreprise européen pour redresser la barre et connaitre un véritable âge d’or, pratiquement sans aucune concurrence, tant Ariane était compétitive et efficace. Effectivement, pendant de nombreuses années, les lanceurs américains se sont concentrés sur le marché domestique institutionnel.
Toutefois, la création de la société Space X du milliardaire Elon Musk, menant de front les lancements institutionnels et commerciaux, a bouleversé le paysage. L’Europe spatiale a réagi en décidant de construire un lanceur plus compétitif pour résister à l’arrivée sur le marché commercial des lanceurs américains. Le coût de production d’Ariane 6 sera 40% moins élevé que celui d’Ariane 5. La future fusée européenne, dont le vol inaugural est prévu en 2020, bénéficiera à l’évidence d’un socle institutionnel européen indispensable à sa réussite.
Gageons que les Européens sauront se mettre d’accord et se rassembler pour éviter que SapceX ne détrône complètement Arianespace !
Chloé LOURENÇO