L’Allemagne traverses ces dernières semaines une mauvaise passe : blocage, stagnation, montée des violences, recrudescence de l’extrême-droite… L’Allemagne d’Angela Merkel ne va plus bien et les élections en Bavière n’ont rien arrangé. Décryptage.
La déjà fragile coalition socio-conservatrice de la Chancelière ne tient plus qu’à un fil. La CSU, petite sœur bavaroise de la CDU de Merkel, devient de plus en plus adversaire du gouvernement allemand. En crise depuis les élections de septembre 2017, les conservateurs enchaînent les crises et les revers. Les divisions internes n’arrangent rien.
Le premier scandale concerne le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, qui tient des propos proches des idées de l’AfD (Alternative für Deutschland), parti d’extrême-droite. Seehofer s’impose progressivement comme un adversaire interne d’Angela Merkel. Autres événements alarmants, les excès de violences racistes, extrémistes et xénophobes à travers l’Allemagne. Le poids de l’Histoire rappelle indéniablement les années 1930 et les horreurs qui ont suivi.
Dans ce contexte, le chef des services secrets allemands et proche de Seehofer, Hans Georg, a été congédié pour sa non-neutralité et sa mauvaise gestion…pour ensuite être promu secrétaire d’État auprès de Seehofer à l’Intérieur ! Ce scandale a fait le tour de l’Europe et a démontré comment étaient tirées les ficelles au plus haut rang. Peut-on parler de corruption ? Oui et non. La coalition a tenté de trouver un équilibre pour éviter d’éclater.
Et enfin, dernier revers pour Merkel, son allié Volker Kauder, président du groupe parlementaire CDU-CSU au Bundestag, a été « viré » après un récent vote. Cela ne présage rien de bon pour la Chancelière, qui ne risquait pas d’asseoir son contrôle avec le vote dimanche dernier, 14 octobre, en Bavière.
L’Allemagne semble tiraillée. Tiraillée entre la démagogie et ses convictions. Entre le poids de son histoire et son besoin de tourner la page. L’Allemagne n’a jamais été un leader international, n’ayant pas pu ni voulu se montrer après 1945. Elle n’a pas de réel rôle, pas de place, presque aucune voix au niveau international. L’Allemagne a peur de s’imposer car elle est toujours marquée par les horreurs du nazisme. Mais l’Allemagne a été le leader de l’Europe pendant plus de 50 ans. Elle ne l’est plus. Pour la première fois, la France de Macron règne et est le numéro 1 dans l’UE. Les crises successives et le recul de Merkel ont eu raison de sa position dominante. La politique extérieure et migratoire ne marche pas et reste le sujet sensible que les partis extrémistes récupèrent allègrement.
Les élections en Bavière du 14 octobre dernier n’ont pas amélioré les choses. La CSU, parti historique bavarois qui a toujours eu une large majorité depuis 70 ans, a subi un gros revers. Ce net recul est difficile à accepter pour un parti qui n’existe qu’en Bavière et qui a tendance à bien rappeler sa richesse et sa prospérité. Les dirigeants de la CSU ont clairement blamé et remis en question le gouvernement fédéral à Berlin pour ces résultats médiocres. Tandis que Berlin a répondu que les oppositions de la CSU ont mené à cet échec.
Parlement régional de Bavière
Malgré un amorçage bien à droite pour rallier les personnes intéressées par l’AfD, la CSU a perdu la majorité. Crédité de 33% des intentions de votes, le parti conservateur a obtenu 37% des voix, suivi des Verts, grands gagnants de la soirée électorale, avec près de 17,5%. Les écologistes deviennent donc le second parti du Land et le premier parti d’opposition. Même si les conservateurs gardent la majorité, une coalition va être nécessaire, a priori avec les centristes qui cumulent 16% des suffrages. Le SPD, parti socialiste, tombe à 9%. Avec 10% des voix, les extrémistes ont obtenu un score moindre que prévu mais continuent de progresser et de mettre la politique allemande en danger. L’AfD a donc fait son entrée au Parlement régional bavarois et est désormais représenté dans 15 Landtage (parlements régionaux) sur 16 ! Seule la Hesse résiste encore et toujours à l’envahisseur. Les résultats en Bavière sonne-t-il la fin de l’ère Merkel ?
L’Allemagne subit, comme la France, un rejet des systèmes en place depuis des décennies. La menace de l’extrême-droite ravive des blessures pas encore cicatrisées et ravive la peur. Les crises en Europe, notamment sécuritaires, accentuent les déconvenues du gouvernement. Angela Merkel, après 13 ans au pouvoir, s’essouffle et n’arrive plus à gérer. Et l’Allemagne risque d’en pâtir jusqu’aux prochaines élections en 2021. A moins que des élections anticipées n’aient lieu…
Wassila ZOUAG