Aujourd’hui tout le monde a connaissance du fait que la richesse économique n’est pas repartie de manière égalitaire entre territoires et personnes.
Il s’agit d’une évidence qui s’applique à différentes échelles. A l’échelle mondiale, il existe une énorme différence entre les pays du Nord retenus plus riches et les pays du Sud, dites du Tiers monde, qui sont beaucoup plus pauvres. À l’échelle d’un pays, il est fréquent que des régions riches et des régions pauvres se côtoient. C’est le cas en Italie : les régions du Nord, qui constituent le cœur économique et industriel du pays, sont très riches ; au contraire, celles du Sud, plus rurales, sont nettement plus défavorisées avec un taux de chômage très élevé.
A l’échelle de la ville, ils existent toujours des quartiers qui sont plus riches que d’autres. Par exemple à Mexico, les bidonvilles se situent juste à côté d’immeubles modernes et riches.
Dans cet article nous allons nous focaliser en particulier sur le cas italien, qui a été fortement influencé par certains événements du passé. En faisant un pas en arrière dans l’histoire du pays, il est possible de découvrir un scénario très différent par rapport à celui actuel. En effet l’Italie, telle qu’elle est aujourd’hui, constitue une nation relativement jeune, fruit d’un compromis politique qui a engendré l’unification de son territoire en 1861. Une unification qui a été seulement administrative et territoriale, et qui a généré une importante fracture économique entre le Nord et le Sud du pays.
Quand l’Italie était un territoire divisé en plusieurs états
Au fil des siècles, le sud de l’Italie a été gouverné par plusieurs dynasties comme la couronne d’Aragon (espagnole) et la maison capétienne d’Anjou-Sicile (française) pendant le Moyen Âge. Au début du XIXè siècle, Ferdinand Ier de Bourbon (couronne espagnole) décida de créer un règne unitaire, appelé Royaume des Deux-Siciles. Ce dernier était caractérisé par sa richesse économique et industrielle et par une organisation administrative très efficiente. Il devint l’un des plus développés d’Europe et Naples en était la capitale ainsi que le siège de toutes les activités économiques et politiques. Il s’agissait d’un état d’avant-garde qui investissait énormément dans les travaux publics et dans les domaines technologiques et industriels. En sont des exemples, la construction de la première ligne de chemin de fer italienne entre Naples et Portici, inaugurée en 1839, et un système de gaz d’éclairage public (premier en Italie et quatrième en Europe après Paris, Londres et Vienne). Le roi investissait aussi dans l’industrie navale, en effet, il possédait la première marine commerciale d’Europe continentale. De plus, à Castellammare di Stabia furent bâtis les premiers chantiers navals d’Italie en 1783.

Un an après fut inaugurée la fabrique royale de Pietrarsa spécialisée dans la construction de locomotives, devenue aujourd’hui Musée national ferroviaire.
Il est important de rappeler que la zone autour de Naples était la région la plus industrialisée d’Italie. Parmi les activités les plus importantes il y avait le tannage, la production de vaisselles, de meubles, de métaux pour la construction.
De plus, pendant la période du royaume des Deux-Siciles, l’art occupait un rôle très important et le théâtre en était la représentation principale. En 1737, à Naples fut édifié le Teatro San Carlo qui est aujourd’hui le plus ancien opéra encore actif au monde. En 1748, furent retrouvées les ruines de Pompei et toute une série de travaux de restauration commencèrent.
Parallèlement, dans le royaume il y eut des déséquilibres au niveau social et la population qui appartenait à la classe sociale la plus basse était très pauvre et analphabète (90%). L’instruction était diffusée surtout parmi les plus riches qui avaient peur d’une éventuelle insurrection du peuple.
Aujourd’hui, tout le monde a connaissance du fait que la richesse économique n’est pas repartie de manière égalitaire entre territoires et personnes.
Il s’agit d’une évidence qui s’applique à différentes échelles. A l’échelle mondiale, il existe une énorme différence entre les pays du Nord, considérés plus riches, et les pays du Sud, dits du Tiers monde, qui sont beaucoup plus pauvres. À l’échelle d’un pays, il est fréquent que des régions riches et des régions pauvres se côtoient. C’est le cas en Italie : les régions du Nord, qui constituent le cœur économique et industriel du pays, sont très riches. Au contraire, celles du Sud, plus rurales, sont nettement plus défavorisées avec un taux de chômage très élevé.
A l’échelle de la ville, ils existent toujours des quartiers plus riches que d’autres. Par exemple à Mexico, les bidonvilles se situent juste à côté d’immeubles modernes et riches.
1861: L’unità d’Italia
Un changement radical se vérifia successivement avec l’Unification de l’Italie en 1861 suite à l’expédition des milles de Garibaldi, qui avec son armée vainquit les Bourbons en se proclamant libérateur du sud de l’Italie et en le remettant à Victor-Emmanuel II : nouveau souverain du Royaume. Le pays fut donc unifié politiquement et économiquement, et par conséquent la loi sarde-piémontaise, en vigueur au Nord, devint aussi celle du Sud. C’est à partir de ce moment-là que le déséquilibre économique de l’Italie commença à se développer avec un nord riche et industriel et un sud contadin et pauvre, phénomène appelé également la « question méridionale ». De plus, lors de l’annexion en 1861, les Deux-Siciles représentèrent 66 % des finances publiques de la péninsule italienne.
Le processus d’extension des lois piémontaises à l’ex-royaume des deux Siciles, que les historiens ont nommé « la piémontisation » de l’Italie, est souvent expliqué par de nombreux auteurs comme « le prix pour l’entrée du Mezzogiorno dans la civilisation ». Plusieurs industries furent démontées et transférées au Nord, comme les chantiers navals de Castellammare di Stabia et l’usine sidérurgique de Calabre qui furent transférées à Gênes.
Tous ces changements suscitèrent un mécontentement général auprès de la population du Mezzogiorno qui montra tout de suite son refus. Par conséquent, des groupes de citoyens s’organisèrent pour instituer une insurrection, et ils réunirent une véritable armée pour s’opposer au nouveau système politique. Ce type de banditisme sera successivement appelé « brigandage » et il était soutenu par les masses populaires du sud et par les bourgeois bourbons qui étaient contre l’unification de l’Italie. Les brigands avaient un rôle très autoritaire et ils combattaient pour la restauration des lois présentes avant l’unification.
Beaucoup d’historiens considèrent cette révolte populaire comme motivée socialement et politiquement, mais qui causa malheureusement plusieurs dizaines de milliers de morts.

Pino Aprile, journaliste et écrivain italien, lorsque d’une interview a affirmé : « Si les gens du Sud ont combattu pendant des années. C’est parce qu’elles étaient conscientes que l’unification n’aurait pas porté des bénéfices à leur terre, en effet, l’unification économique réelle n’a jamais existé parce que le Sud a toujours été soumis par la politique du Nord ». (interview complète à Pino Aprile : https://www.youtube.com/watch?v=9cSNaCNT4Ag )
Le secrétaire du parti communiste italien ainsi que journaliste et intellectuel de l’époque, Antonio Gramsci, écrivit beaucoup sur ce sujet auquel il était très sensible, surtout dès 1926 quand il fut emprisonné par le régime mussolinien. Il était convaincu que la question méridionale ne pouvait pas être résolue avec des politiques régionales créées seulement pour le Sud, mais il fallait intervenir avant tout sur l’aspect national. Il fallait donc penser à des politiques dans une optique unitaire, dans le respect des besoins généraux du pays.
Pendant le fascisme, ce déséquilibre était considéré comme inadmissible. C’est pour cette raison que Mussolini mit en place beaucoup de politiques pour soutenir le développement du Sud, comme par exemple la Cassa del Mezzogiorno pour financer les entreprises, la bataille du blé et la bonification intégrale pour augmenter la production agraire. Il était animé aussi par des raisons politiques, puisque l’Italie méridionale était vue comme la porte de l’expansion vers l’Orient et l’Afrique pour sa position géographique.
De plus en raison du désordre socio-économique et à cause du peu d’intérêt manifesté par les gouvernements de l’État unitaire envers le Sud, le Mezzogiorno vit naître aussi les premières mafias, problème enraciné dans la société actuelle.
Enfin, entre le début du XXe siècle et les années 1970/1980, de nombreuses personnes originaires du «Mezzogiorno» émigrèrent pour fuir la misère, vers les pays proches comme la France et l’Allemagne et lointains comme les États-Unis, le Canada et l’Argentine. Durant l’après-guerre il y eut aussi une forte migration de chômeurs vers le nord de l’Italie, un phénomène, encore d’actualité aujourd’hui qui concerne surtout les jeunes diplômés.
Malgré les efforts régionaux et nationaux, l’image du Nord industriel et du Sud paysan est encore d’actualité.
Les critiques des historiens modernes
Aujourd’hui beaucoup d’historiens et écrivains qui ont étudié le sujet, poursuivent l’idée que l’unification de l’Italie a été l’élément déclencheur du déclin du Sud. C’est à partir de ce moment-là que les régions méridionales ont dû faire face à beaucoup de problèmes économiques, sociaux et politiques causés par un changement radical de la structure organisationnelle de l’ État.
Selon la thèse du journaliste Pino Aprile, illustrée dans ses ouvrages, comme « Terroni » et « mai più terroni », c’est le Nord de l’Italie qui a causé le sous-développement du Sud. Il certifie, qu’après l’unification des règnes, une grande partie de la richesse du sud a été transportée au nord pour payer les dettes publiques de ce dernier, en causant le début de la décadence méridionale. L’unification a donc seulement été un prétexte pour favoriser le développement du Nord du pays. Il affirme : « Le conseil national des recherches a mené une étude sur l’économie des régions italiennes, dès les années 1860 à nos jours. Les résultats de la recherche ont démontré qu’au moment de l’unification italienne il n’y avait pas de différence entre nord et sud, mais cette disparité est née quelques années après. Elle a été imposée avec les armes, la politique, le sang et l’argent des gens du sud, et c’est pour cette raison que beaucoup de personnes pensent encore aujourd’hui que la qualité de vie était meilleure avec les Bourbons». En effet, il pense que Garibaldi, avec l’expédition des milles, n’a pas libéré l’Italie méridionale, mais il l’a rendu dépendante de celle du Nord.
Le même écrivain dans son livre « mai più terroni » parle d’un Sud qui aujourd’hui commence à évoluer et à sortir de la condition d’infériorité grâce aux nouvelles générations. Il parle de jeunes entreprenantes qui se rendent compte du potentiel de leur terre où ils décident d’installer des entreprises pour donner vie à une renaissance économique du sud à travers des nouveaux marchés d’avant-garde. En effet, la majorité des entreprises les plus innovantes du sud ont été pensées et financées par des entrepreneurs de moins de 35 ans.
Pour conclure, cet excursus dans l’histoire de l’Italie nous a permis donc de comprendre en partie pourquoi aujourd’hui l’Italie se présente comme un pays très fractionné économiquement, sachant qu’il y a toujours d’autres facteurs qui ont fortement contribué à ce déséquilibre comme la crise économique (la grande récession) du 2008, qui a touché plusieurs pays dans le monde entier.