Le 1er Mars lance, pour le Royaume-Uni, le compte à rebours officiel de sa sortie de l’Union européenne. Une nouvelle qui ne fait pas que des heureux outre-Manche, même si le sort du royaume de sa Majesté semble bel et bien scellé. Retour sur une manifestation de tristesse et une démonstration d’amour digne des plus grands amoureux éconduits.

13 février 2019
C’était le 13 février dernier, alors que je me promenais dans le quartier londonien de Westminster. Il faisait beau et j’avais passé une bonne partie de mon après-midi à visiter Whitehall et l’Abbaye de Westminster. Jusque-là, rien a signaler, sauf peut-être la clarté d’un ciel particulièrement bleu, preuve sans doute d’un dérèglement climatique inquiétant. Et puis soudain, devant House of Parliament, j’ai croisé une manifestation.
Manifestation, c’est peut-être un grand mot. Cela n’avait absolument rien à voir avec ce que nous connaissons en France depuis le 17 novembre ! Ce que j’ai vu ressemblait davantage à un rassemblement ou à une petite protestation. J’ai d’abord été face à un homme qui tenait une pancarte sur laquelle on pouvait voir un homme tirer à bout portant sur son pied, décoré du drapeau britannique. Sur le pistolet, un mot : « BREXIT« . Comme message, on ne pouvait faire plus explicite !
En continuant mon chemin, j’ai remarqué que les manifestants avait accroché des drapeaux européens, britanniques, anglais, gallois, écossais et nord-irlandais sur des barrières Vauban. De temps en temps, ils scandaient leur amour pour l’UE et leur volonté de rester en son sein. Plus encore, ils criaient leur colère face à un gouvernement qui ne les écoute pas.
Stop the Brexit mess!
Face à des Européens convaincus, l’envie d’aller recueillir leur sentiment sur la situation était trop forte. Eux étaient d’abord méfiants, ne sachant pas tellement de quel côté je me situais. Pro Brexit ? Pro UE ? Telle était leur question ! Mais en engageant la conversation, les langues se sont vites déliées. J’ai pu discuter avec une dame dont on pouvait voir la tristesse et le désespoir. Elle m’a expliqué que son fils, après un Erasmus au Danemark, avait décidé d’y rester, constatant qu’il n’y avait plus grand-chose pour lui au Royaume-Uni. Elle semblait désemparée qu’il ait dû d’immigrer, non par choix, mais parce qu’on lui imposait ce choix.
« Le Danemark est un joli pays, où on peut bien vivre et ce n’est pas si loin que ça de Londres. Et surtout, c’est en Europe ! » m’a-t-elle déclaré. La génération de son fils, la mienne, nous avons tous grandi dans l’Union européenne, au sein de ses frontières ouvertes et de sa paix. Pour cette londonienne, le Brexit est un bouleversement, au même titre qu’un tremblement de terre. L’espace d’un instant, je ne peux pas m’empêcher de me mettre à sa place. Et si cela arrivait en France, qu’est-ce que je ferais ? Est-ce que je serais moi aussi obligée de quitter mon pays pour continuer à vivre dans l’Union européenne ? Je préfère ne pas y penser.
« Et vous ? Qu’allez-vous faire à la fin du mois ? » me demande-t-elle. Je lui explique alors que je ne suis pas Britannique mais Française et que pour moi, pour l’instant, la question ne se pose pas. Elle hausse les sourcils et dans un souffle et un regard derrière elle, elle soupire : « Ah, la France !« . Il faut dire qu’avec nos « samedi gilets jaunes« , nos manifestations sans fin et nos revendications longues comme le bras, la France est vue comme un pays « presque en guerre« . « Rester ou partir, réfléchissez bien en France, si un jour on vient à vous poser la question. Après, on regrette et on s’agite« , dit-elle. Elle finit par me demander pourquoi le monde va si mal. Vaste question. Réponse encore plus vaste.
Quelle solution à 28 jours de l’échéance ?
Sur son visage défait, on lit toute sa tristesse de devoir quitter l’UE. Elle sait que cette décision affectera son pays, et par conséquent, sa vie toute entière. Lorsque je lui demande si elle pense que la situation peut encore changer, elle me rétorque qu’elle et le petit groupe de manifestants sont là pour ça, pour essayer de faire changer les choses. Mais on voit clairement qu’elle n’y croit pas vraiment. A moins d’un mois de la sortie officielle du Royaume-Uni, ils ont épuisé tous les recours possibles, et personne à Bruxelles n’est prêt à réouvrir les négociations.
Au contraire, les Européens commencent à en avoir assez de cette sortie qui traîne en longueur, de ce Brexit qui n’arrive pas. Après deux ans de négociations, il est temps que cela s’arrête, même si les coeurs sont lourds des deux côtés.
Plus qu’un report – ou mieux qu’une annulation du Brexit- les personnes que j’ai rencontrées réclament à Theresa May un nouveau vote, une écoute du peuple et de nouveaux arguments en leur faveur, pour peser face aux 27. Le fait que le gouvernement fasse la sourde oreille agace au plus haut point. « Nous avons voté, c’est vrai. Mais depuis nous n’avons pas vraiment été écoutés, annonce un homme, pancarte « Stop the Brexit mess! » en mains. Le Brexit est inéluctable, sauf si on propose de nouvelles choses« . Oui, mais quoi ?
Je n’ai pas eu de véritable réponse à ce sujet. Je pense qu’entre désarroi, dépit et colère, les « Remainers » avec qui j’ai pu discuter tentent, avec l’énergie des condamnés, de faire durer leur appartenance à l’UE. Un peu à la manière de Madame du Barry « Encore une minute, monsieur le bourreau ». Ce qui n’empêchera pas, hélas, le couperet de tomber. Il reste désormais 28 jours avant de retirer une étoile en Europe.
Chloé LOURENÇO
Une réflexion sur “[Billet] BREXIT : J’ai rencontré des « Remainers »”
Les commentaires sont fermés.