[8 MARS] Quelle place pour la Femme en Europe ?

Journée internationale des femmes: plus de 119 ans d’histoire

C’est en 1910 à Copenhague que l’idée d’une « Journée internationale des femmes » est adoptée par l’Internationale socialiste sur une proposition de Clara Zetkin (Parti social-démocrate d’Allemagne) et Alexandra Kollontaï (menchevik du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, future commissaire du Peuple), cependant aucune date fixe n’est avancée. Une conférence, réunissant 100 femmes de milieux socialistes a provenant de 17 pays différents, approuve cette idée à l’unanimité.  

L’ année suivant, le 19 mars 1911, la première Journée internationale des femmes est célébrée. Cette première journée avait comme objectif la revendication du droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail. Plus d’un million de personnes participent aux rassemblements en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse.

A seulement quelques jours de ces premiers rassemblements un incendie dans un atelier textile de New York tue 140 ouvrières, dont une majorité d’immigrantes italiennes et juives d’Europe de l’Est. enfermées à l’intérieur de l’usine. L’exploitation des femmes ouvrières est mise en avant dans cette tragédie. Cette date est alors commémorée par la suite lors des Journées internationales des femmes mais crée également un lien entre lutte des femmes et mouvement ouvrier.

Des femmes d’Europe organisent en 1913 et 1914, des rassemblements contre la guerre dans le cadre du mouvement pacifiste. C’est en 1914, que la date du 8 mars qui est retenue.

La Russie joue un rôle primaire dans la célébration de cette journée lorsqu’en 1917, des femmes choisissent le dernier dimanche de février pour faire grève et réclamer « du pain et la paix ». Ce fameux dimanche tombe le 23 février dans le calendrier julien (à l’époque en vigueur en Russie) et le 8 mars dans le calendrier grégorien : c’est le début de la Révolution russe. Le tsar abdique quatre jours plus tard et le gouvernement provisoire accorde le droit de vote aux femmes.

La légende raconte que Lénine, en souvenir de cette première manifestation de la Révolution, le 8 mars 1921, aurait décrété la journée « Journée internationale des femmes ». Cette journée est célébrée dans tout le bloc de l’Est.

La Belgique a organisée, le 11 Novembre 1972, une des premières Journée des femmes en Europe notamment en présence de Simone de Beauvoir, journée qui a rassemblé 8000 femmes.

Le 8 mars 1977 l’Organisation des Nations Unies, reprenant l’initiative communiste et à la suite de l’année internationale des femmes de 1975, adopte une résolution enjoignant à ses pays membres de célébrer une « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale » ou plus communément appelée « Journée internationale de la femme ».

Le 8 mars 1982, le gouvernement socialiste de François Mitterand donne une statut officielle à cette journée en France, ceci a été possible suite à l’initiative du MLF et de la ministre déléguée aux Droits de la femme Yvette Roudy.

Malgré les différentes appellations que cette date a pu subir durant les années, celle-ci reste emblématique pour toutes les revendications des droits des femmes dans le monde.

Les femmes européennes et la politique

L’Europe se targue souvent d’être à la pointe de la civilisation et de la société moderne. Mais qu’en est-il vraiment ?

Encore peu de femmes ont un rôle politique important. Les hommes gardent la majorité du pouvoir, comme une tradition depuis la nuit des temps. Les hommes tiennent toujours les positions à décisions tandis que les femmes sont reléguées dans des fonctions moins prestigieuses, reléguées au second plan. 

En 2018, seuls 9,8% des pays du monde étaient dirigés par des femmes, d’après les chiffres d’ONU Femmes. La présence féminine dans les Parlements nationaux connaît une légère hausse à travers le monde, notamment au Rwanda où 56% des élus législatifs sont des représentantes de la gent féminine. Ce n’est pas le cas en revanche dans les gouvernements à travers le monde. 

Légalement, rien n’empêche cette inégalité : il y a les combats puis la réalité. On peut parler des obstacles culturels (les hommes ont été/se sont toujours considérés supérieurs) ou sociaux (les femmes sont dévolues à s’occuper des enfants et du foyer). Un autre argument (dépassé, selon nous) fréquemment évoqué est celui du domaine politique qui est souvent considéré comme impitoyable et agressif. Donc plus masculin et pas pour les femmes, ces êtres si douces et gentilles ! (Ironie…)

En Europe, la situation évolue, certes, mais très lentement. Au niveau des gouvernements, 27,8% des ministres en 2018 sont des femmes contre 28,28% en 2016. Parmi les bons élèves, on retrouve la Suède et la France avec respectivement 52% et 50% des femmes dans leur gouvernement. Au contraire, la Hongrie de Viktor Orban ne compte aucune femme dans son gouvernement. Chez les mauvais élèves, on retrouve également Chypre avec 8% des femmes dans leur gouvernement et la République tchèque avec 12%. 

Quant au Parlement européen élu en 2014, il compte 37% de femmes, ce qui représente 10 points de plus que la moyenne des Parlements nationaux de l’UE. Qu’en sera-t-il en mai prochain ? Au niveau national, seules 7 femmes dirigent un pays européen. Parmi les cheffes de gouvernement, on retrouve Angela Merkel en Allemagne, Theresa May au Royaume-Uni, Viorica Dăncilă en Roumanie. Les 4 femmes présidentes sont Dalia Grybauskaitė en Lituanie, Marie-Louise Coleiro Preca à Malte, Kolinda Grabar-Kitarović en Croatie et Kersti Kaljulaid en Estonie. Cela correspond à une de plus qu’en 2016. 11 États membres sur 28 n’ont jamais été dirigées par une femme, que ce soit au niveau présidentiel ou gouvernemental.  

Malgré les améliorations, les prises de conscience et les débats, c’est encore trop peu. Le travail reste titanesque. Les élections de mai 2019 vont-ils battre le score de 37% ? Affaire à suivre.

Féminicides en Europe : où en est-on ?

Depuis le 1er janvier 2019, en France, 30 femmes sont déjà mortes sous les coups de leurs conjoints ou de quelqu’un de leur entourage. Ces 30 décès ont fait revivre dans le pays les problèmes de féminicides, bien que dans l’imaginaire collectif, ces assassinats de femmes sont réservés aux zones violentes d’Amérique latine ou centrale ou encore d’Afrique. S’il est vrai que le continent américain connaît de très nombreuses vagues de crimes féminins, il n’est pas le seul touché. Dans les pays d’Europe occidentale, le taux annuel de féminicides est de 0,4 victimes pour 100 000 femmes. Dès lors, le risque que court une femme au Honduras, par exemple, d’être victime de féminicide est 40 fois plus élevé. Cependant, les données sur la situation en Europe sont loin d’être rassurantes. L’Italie, l’Autriche, le Royaume-Uni, la Roumanie ou la France sont les pays où l’on enregistre le plus de féminicides. 

Les instruments de lutte 

En 1979, on a mis en place la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). 
Cette convention a été suivie par l’adoption de la plateforme d’action de Pékin, en 1995. Seize ans plus tard, en 2011, le Conseil de l’Europe adoptait la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des filles et de la violence domestique. A ce jour, 14 pays européens y ont adhéré et l’Union européenne est en passe de le faire intégralement. 

En terme d’action, on parle souvent des « 3P » : « Prévention », donc « éducation », « Protection », ce qui signifie qu’il faut être en mesure de réagir efficacement aux plaintes déposées, et « Poursuites » des auteurs. A cela, on peut tout à fait rajouter un quatrième « P », comme « Promotion » des droits de la Femme. 

Au sein des institutions européennes, on prend le sujet très à coeur. Vera Jourova, Commissaire européenne à la Justice, aux Consommateurs et à l’Égalité des genres, a mis en avant l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. « Dans les pays de l’UE, les femmes gagnent en moyenne 16% de moins que leurs collègues masculins. Cette injustice n’est pas acceptable dans nos sociétés », déclare-t-elle. Effectivement, les deux sont liés : si les femmes gagnaient autant que les hommes, elle n’auraient plus peur de fuir un conjoint violent par exemple, dans la mesure où elles auraient les moyens de faire face. Dans le cas présent, nombre d’entre elles restent dans leur foyer par peur de ne pas réussir à pourvoir aux besoins de leurs enfants. 

La Commissaire européenne rajoute qu’il faut également une meilleure prise en charge dans les commissariats ainsi qu’une meilleure écoute des victimes. C’est encore la solution la plus fiable pour faire diminuer le nombre de féminicides dans le monde, mais cela veut dire qu’il faut aussi être en mesure de recevoir les victimes de violences sans les juger. 

Natacha DA ROCHA, Chloé LOURENÇO & Wassila ZOUAG

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