Globetrotteuse. Princesse. Espionne de guerre. Voilà en peu de mots Noor Inayat Khan. Née à Moscou, mais d’origine britannico-indienne, elle possède des racines généalogiques nobles et anciennes. Par son père, elle descendrait même d’une princesse musulmane soufi ! Fuyant la révolution bolchevique, ses parents s’installent à Londres avant de tout quitter pour poser leurs valises à Paris. Titulaire d’un diplôme de psychologie de l’enfance, prête à se marier, son histoire aurait pu s’arrêter là. Mais la guerre va la faire entrer dans l’Histoire avec un grand H. Vraiment ? Vous ne la connaissiez pas ?
Débuts de la guerre
En 1939, alors que la guerre éclate en Europe, Noor Inayat Khan, orpheline de père depuis 10 ans, rompt ses fiançailles. De toutes façons, sa famille désapprouvait son union. En juin 1940, avec la défaite de l’armée française et l’invasion allemande, la famille, de nationalité britannique, doit fuir de nouveau. Noor entraîne ses frères et soeurs ainsi que sa mère vers Tours, puis Bordeaux et enfin dans le Verdon, d’où ils embarquent pour l’Angleterre. La liberté.
Alors que la fratrie a été élevée au sein d’une maison qui prône la non-violence et le pacifisme, Noor et son frère décide de se jeter dans la lutte contre le nazisme. Son frère s’engage dans la marine, tandis que la jeune femme rejoint les rangs de la Women’s Auxilary Air Force. Elle indique savoir bien parler français et adopte le pseudonyme de Nora Baker. Elle suit un cours intensif de transmetteur radio.

Dès l’année 1942, à force de travail acharné, elle réussit à rentrer dans le service de transmission radio clandestine. Elle fait du renseignement en temps de guerre sa spécialité, consciente du danger que cela représente : une chance sur deux d’en revenir vivante. Seulement. Cela ne l’effraie pas. Son entraînement commence réellement en 1943, année durant laquelle elle doit encore effectuer un stage de parachutage. Sa mission sera ordonnée avant qu’elle ne soit complètement opérationnelle.
Mission clandestine à Paris
Sur le papier, sa mission est simple : elle doit être l’opérateur radio du réseau de résistance PHONO, sous-réseau du réseau Prosper-PHYSICIAN, dirigé par Henri Garry. Noor Inayat Khan est la première femme a être envoyée en France occupée. Elle emporte avec elle des somnifères, des stimulants, un pistolet automatique et une pilule de cyanure. Au cas où. Son poste de radio lui sera expédié ultérieurement.
Sa mission débute le 17 juin 1943, et pendant une dizaine de jours, tout se déroule comme prévu. Mais le réseau fait rapidement face à une vague d’arrestation, et Noor doit fuir. Encore une fois. Si le chef de son groupe n’est pas arrêté, son domicile est placé sous surveillance par la Gestapo. Noor échappe de peu aux tirs nourris des mitraillettes au début du mois de juillet, alors qu’elle se rendait chez lui. On lui propose de rentrer en Angleterre pour se mettre à l’abri, mais elle refuse, ne souhaitant pas laisser ses compagnons français sans communication. Elle enverra de très nombreux messages vers l’Angleterre.
Le 30 juillet, elle se rend dans un appartement de la Place de l’Alma où siège le Conseil national de la Résistance. L’objet de la réunion est de taille : trouver un remplaçant à Jean Moulin, arrêté à Caluire le 21 du même mois. Dans l’arrière cuisine, Noor transmet à Londres le résultat : c’est Georges Bidault qui endossera le costume laisser vacant par Moulin.
Aux mains de l’ennemi
En France occupée, Noor Inayat Khan tient un poste terriblement dangereux. Ce n’est pourtant pas par mégarde ou par malchance qu’elle sera arrêtée. Trois mois et demi après avoir débarqué en France, elle est trahie par Renée Garry, la soeur du chef du réseau PHONO, jalouse de ne pas en faire partie. Elle est arrêtée à son domicile du 98 rue de la Faisanderie, à 200 mètres du siège du SD.

Pour les Allemands, la prise est belle. Dans l’appartement, il saisissent non seulement le poste émetteur de Noor, mais aussi un cahier d’écolier dans lequel elle consignait les messages codés venus de Londres, ceux à envoyer et leur traduction en clair. Cela permettra à l’ennemi de communiquer avec Londres en se faisant passer pour la jeune femme. Jusqu’au printemps 1944, Londres enverra d’ailleurs de nombreux membres de la Résistance croyant le réseau PHONO fiable. En réalité, les opérateurs envoyés étaient réceptionnés directement par les Allemands.
N’écoutant que son courage démesuré, et se sachant peut-être condamnée, elle essaye par deux fois de fuir. En vain. Elle est envoyé près de Karlsruhe, en Allemagne, dans une prison où le directeur a reçu l’ordre de la traiter selon le protocole « Nacht und Nebel« . En d’autres termes, cela signifie « la faire disparaître dans le secret le plus absolu« . Pieds et mains entravés, elle ne peut pratiquement pas bouger. Il lui faudra de l’aide pour manger et se laver. Noor restera enfermée, coupée du monde extérieur pendant les neuf mois qu’elle passera à Karlsruhe.
Le 10 septembre, elle est transférée dans une autre prison, où elle retrouve trois amies, résistantes elles-aussi. La Gestapo les emmènent à Munich, avant de les mettre dans un train pour Dachau.
Leur mort n’est pas digne de l’espèce humaine. Elle sera fusillée avec ses compagnes d’infortune devant un four crématoire, après avoir été rouée de coups. Son dernier mot sera « Liberté. Leurs corps seront ensuite brûlés dans les fours crématoires. Son bourreau, l’officier SS Friedrich Wilhelm Ruppert sera condamné pour d’autres crimes et exécuté en mai 1946.
Qui, en 2019, peut encore citer son nom ? Peu de monde en réalité. Et pourtant, Noor Inayat Khan fait partie de ses héroïnes de l’Histoire. Merci à Aude GG de nous avoir parlé d’elle !
Chloé LOURENÇO