La grève de la jeunesse pour le climat réunit élèves et étudiant.e.s dans les rues du monde entier tous les vendredis depuis août dernier quand Greta Thunberg, une élève suédoise de 16 ans, a initié le mouvement en Suède. Le mouvement, qui est arrivé en France en février, a vu son apogée avec la journée mondiale de grève scolaire pour le climat du 15 mars. Selon Greenpeace, plus de 198 000 jeunes ont manifesté seulement en France et 1,6 million de jeunes sont sortis de leurs établissements scolaires ou universitaires pour manifester autour du monde dans plus de 110 pays. La prochaine grève mondiale de la jeunesse pour le climat est prévue le 24 mai.
Les manifestations se déroulent pendant les heures de cours, d’où l’appellation de grève. Les jeunes renoncent délibérément à leur droit à l’éducation car ils peuvent difficilement attirer l’attention autrement, sauf en recourant à la violence comme on voit chez certains « gilets jaunes » qui profitent d’une couverture médiatique énorme. En pleine crise climatique et écologique, les manifestations s’inscrivent dans la logique selon laquelle s’investir dans son éducation ne sert plus à rien comme le futur est incertain à cause de l’inaction des politiques face à l’urgence climatique. Ou comme Greta Thunberg, devenue la voix du mouvement des jeunes, l’a formulé : pourquoi apprendre des faits si les plus importants sont juste ignorés – ou même niés dans le cas du président actuel des États-Unis. Le mouvement vise à transmettre à tous les décideurs du monde le message qu’il est urgent d’agir à grande échelle.
Ce que veulent les jeunes manifestant.e.s est simple : que les gouvernements respectent les accords de Paris de 2015 de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ce qui implique une réduction massive des émissions de CO2 dès maintenant. Pour y parvenir, ils proposent des pistes différentes selon les pays, mais l’introduction d’impôts sur les émissions de CO2 et l’arrêt des subventions des énergies fossiles figurent souvent dans leurs demandes. Ces demandes sont classées par certains comme trop extrêmes et donc “politiquement infaisables”. Elles pourraient certes être classifiées comme extrêmes puisqu’elles impliquent de changer le système actuel de consommation et de production d’énergie, mais ces demandes viennent justement de l’inaction des politiques depuis des années car les scientifiques avertissent déjà des dangers du réchauffement climatique depuis plus que quarante ans. On pourrait donc s’interroger sur la fonction des politiques de nos jours.
Les jeunes contre le système en place
Car si les jeunes doivent se mobiliser à cause de l’inaction des adultes, on pourrait dire que la fonction principale des politicien.ne.s de servir les gens qu’ils représentent semble avoir été perdue. On peut avoir l’impression que les décideurs mondiaux agissent surtout dans l’objectif d’être réélus avec des politiques à court terme et que cela les pousse à l’inaction face au changement climatique. Parce que ceux qui penseraient à long terme et qui introduiraient des impôts sur les émissions de CO2 ou fermeraient les centrales au charbon ou couperaient les subventions aux industries de l’énergie fossile ne seraient probablement pas réélus. Mais reporter l’action contre le réchauffement climatique ne servira pas les générations futures. La politique devrait s’appuyer sur la science pour ne pas détruire le futur des générations prochaines et c’est ce qu’exigent les jeunes manifestant.e.s – une exigence toute à fait rationnelle à l’encontre de certaines politiques populistes.
Ceux qui seront les plus concernés par le changement climatique et les pratiques non-durables du commerce international sont les personnes qui sont encore des enfants aujourd’hui. Ce sont donc les personnes qui n’ont aucun poids politique, aucune voix, puis qu’elles n’ont pas le droit d’élire leurs représentants. Quel autre choix reste alors que descendre dans la rue pour se faire entendre ? En France, il existe aussi le Manifeste étudiant pour un réveil écologique écrit par des élèves d’HEC Paris, AgroParis Tech, CentraleSupélec, l’École Polytechnique et de l’ENS Ulm qui a été signé par plus que 30 000 étudiant.e.s jusqu’à maintenant, ce qui montre que de plus en plus de jeunes ne souhaitent pas maintenir le système capitaliste de surconsommation et croissance supposée infinie qui détruit la planète. Les pratiques de l’industrie et les emplois qu’offre ce système sont souvent contraires à ce qui est enseigné aux écoles et universités et ce que prédisent les scientifiques. En novembre dernier, le jeune diplômé de Centrale Nantes Clément Choisne a également exprimé le sentiment d’être perdu dans le système actuel dans son discours de remise de diplôme.
L’Union européenne comme actrice majeure
Pendant que plusieurs scientifiques ont exprimé leur soutien au mouvement Fridays For Future, entre autre dans une lettre ouverte de plus de 260 scientifiques suisses, français.es et belges, le Parlement européen a également exprimé son soutien aux manifestations et a invité Greta Thunberg à rencontrer le président du Parlement européen et de prononcer un discours le 16 avril devant la dernière plénière de la Commission pour l’environnement, la santé publique et sécurité alimentaire avant les élections européennes. Elle s’est adressée aux député.e.s européen.ne.s et leur a demandé de mettre leurs différences de côté pour lutter contre le changement climatique. Elle a également exprimé la frustration que ressent de plus en plus de monde concernant les priorités politiques : Il y avait déjà trois sommets d’urgence sur le Brexit, mais aucun sur la crise climatique et environnementale. Les députés ont applaudi et confirmé que la lutte contre le changement climatique et pour la conservation de l’environnement serait un des sujets les plus importants. Pourtant, si on regarde les ressources institutionnelles de l’UE que sont attribuées à l’environnement, celle-ci ne semble plus être très importante. Un exemple : parmi les plus de 150 comités informels de préparation pour le Conseil, il y en a deux pour l’environnement tandis qu’il y en a 14 pour la compétitivité.
L’Union européenne est une actrice majeure dans le combat pour le climat parce qu’une action à grande échelle nécessite la coopération interétatique. Un seul État n’a plus assez de pouvoir face aux énormes entreprises multinationales qui n’ont souvent aucun intérêt à réduire leurs émissions de CO2. La commission européenne a proposé des pistes possibles pour arriver à une économie climatiquement neutre jusqu’à 2050 dans sa communication « Une planète propre pour tous” en novembre dernier. Cependant, dans la communication huit pistes sont présentées dont seulement deux arriveraient à la neutralité en matière de gaz à effet de serre avant 2050. Le Parlement a exprimé son soutien à la poursuite de ces deux scénarios et souligne aussi qu’une transition verte pourrait créer environ 2 millions d’emplois d’ici 2050. Les actions restent à suivre car l’Union européenne subventionne encore les énergies fossiles et en France, par exemple, on assiste encore à une augmentation des émissions de CO2.
Voter pour une transition verte
Le changement climatique n’est plus une chose abstraite et éloignée dont avertissent certain.e.s scientifiques. Aujourd’hui, la multiplication de feux de forêts – même en région arctique -, la fonte des calottes glaciaires et la montée du niveau de la mer, la désertification du sol et des conditions météorologiques extrêmes en sont déjà des conséquences. La situation s’aggravera continuellement et les pays en développement qui ont le moins participé aux émissions de gaz à effet de serre seront les plus touchés. C’est encore possible de ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement et éviter le pire. L’argent pour financer une transition verte est là, ce qui manque c’est la volonté politique. Nous avons vu en 2008 que c’est possible d’agir vite et efficacement dans une crise, mais quand la crise n’est pas économique mais écologique, l’argent pour sauver la planète ne semble pas être trouvable. Pourtant, les coûts d’inaction sont beaucoup plus élevés que ceux de l’action. Selon le rapport Stern, publié par le gouvernement britannique en 2006, le coût de la lutte contre le changement climatique s’élèverait à environ 1 % du PIB mondial, tandis que le coût de l’inaction en représenterait 5 à 20%.
Ce que nous pouvons faire, à part changer nos propres habitudes de consommation, c’est voter pour un parti qui propose des solutions et qui ne trouve pas « politiquement non faisables » les mesures nécessaires à l’heure de l’urgence climatique. Car la plupart des jeunes qui défilent dans les rues n’ont pas cette possibilité. C’est à nous de donner plus de pouvoir à ceux qui se sont inscrits pour changer le système plutôt que le climat. Mais seulement aller voter une fois tous les cinq ans ne suffit pas. Il est temps de recourir à des façons de participation politique non conventionnelles comme signer des pétitions, manifester et faire la grève. C’est à la population civile de faire pression aux politicien.ne.s pour que les prochaines générations aient un futur sur cette planète, comme le font les jeunes dans le cadre de Fridays For Future en descendant dans les rues. Parce que la politique doit servir les gens à long terme et non se contenter d’actions à court terme qui permettent d’être réélu.
Natalie BOCK