Le 8 mai dernier, je recevais dans ma boîte aux lettres une lettre écrite par Nicolas Dupont-Aignan en vue des prochaines élections européennes. Oui, le 8 mai dernier, soit 5 jours avant le début officiel de la campagne. Interloquée, étonnée, curieuse, j’ai voulu lire les propositions de ce souverainiste affiché pour l’Europe. Je n’ai pas été déçue. Quatre pages de plaidoyer anti-Europe. Quatre pages de mensonges et de fake news aussi.
Elections européennes vs 3è tour de la présidentielle
En ouvrant mon courrier mercredi 8 mai, j’ai été particulièrement surprise de découvrir une lettre de Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan avec la mention « Urgence élections » sur l’enveloppe. Effectivement, il me semblait que la campagne officielle des Européennes ne commençait que lundi 13 mai… Connaissant la ligne politique de ce parti souverainiste, j’ai été doublement surprise qu’on m’envoie une lettre en vue d’élections aux enjeux européens. Mais voilà, cette « profession de foi » ? « lettre informative » ? « Explication du programme »? (Je ne sais pas vraiment comment qualifier ce courrier…) n’a rien d’européen. Au contraire.
J’ai commencé ma lecture. « Vous payez toujours plus d’impôts tout en voyant les services publics disparaître« . Première surprise, premières interrogations. Oui, mais cela ne concerne que la France, non ? « La hausse de la CSG de 26% a diminué votre retraite qui a aussi été désindexée par rapport à l’inflation, tout comme l’allocation handicapé« . Là encore, seule la France est concernée. Pourquoi en parler alors que le scrutin qui arrive sera européen ? « Votre pouvoir d’achat n’est plus à la hauteur de vos efforts quotidiens et du travail que vous avez fournis toute votre vie. » Mais pourquoi s’obstiner à parler de problèmes franco-français dans une campagne d’élections européennes ? Pour moi, cela n’a pas de sens.
« Je me permets de vous écrire aujourd’hui pour vous dire que malgré toutes ces difficultés, la France a de précieux atouts et peut se redresser si nous nous en donnons les moyens. » Mais Nicolas Dupont-Aignan a-t-il compris que le 26 mai prochain, nous voterons pour élire des députés européens siégeant à Strasbourg ou Bruxelles en compagnie de leurs homologues de l’UE entière et non pas pour le 3è tour de l’élection présidentielle !?
Sans doute est-il frustré de ne pas peser d’avantage dans les sondages, mais enfin ! Cela ne justifie pas de tels propos ! A ce stade de ma lecture, je pensais en avoir fini. C’était sans compter sur les fake news concernant l’Europe qui suivent. Je sais ce qu’il pense de l’UE, mais se rend-t-il seulement compte de ce qu’il dit ?
Fake News en série
La suite de la lettre tire à boulets rouges sur la Commission. Mais si, la Commission, cet organe surpuissant, ce tyran phénoménal, cette institution qui dirige, gouverne, impose, décide, choisit TOUT pour les européens. « La Commission européenne – dont les membres ne sont pas élus-impose ses décisions au Parlement français mais aussi au Président de la République« , écrit-il. Et là, soyons clairs. La Commission n’est certes pas élue par le peuple européen (mais en voyant le taux d’abstention pour élire des députés, on se demande si cela a vraiment de l’importance…), mais le Commissaire européen désigné par chaque Etat pour le représenter est bien souvent issu du gouvernement mis en place. Par exemple, lors de la dernière mandature, Pierre Moscovici a été désigné pour représenter la France à Bruxelles. Or, si lui-même n’a pas été élu, le Président de la République, en l’occurence François Hollande en 2014, si. On ne peut donc pas dire que les Commissaires sortent du chapeau !
Ensuite, et chez Voix d’Europe nous le répèterons autant que nécessaire, la Commission n’impose rien à personne en Europe. Elle fait une proposition de directive ou de règlement au Parlement européen et au Conseil. Ces deux institutions débattent, amendent, adoptent. Ou refusent. Ce n’est que dans un troisième temps que ces deux textes (directive ou règlement) sont mis en application dans les Etats membres. Rappelons qu’une directive laisse plus de marge de manoeuvre aux Etats pour transcrire les décisions dans le droit national.
« La démagogie c’est plus médiatique »
Les pages 2 et 3 de la lettre de Nicolas Dupont-Aignan, est un condensé de démagogie. Comme le disait Yves Duteil dans sa chanson, « la démagogie, c’est plus médiatique ». Il faudrait bien plus d’un simple article pour déconstruire tout ce qu’il explique, mais j’essaierai d’être concise et précise. Le président de Debout la France essaye de faire passer la France pour une République asservie par l’Europe, un pays qui ne décide plus ni de « ses lois, ses frontières et son budget« . Il faut quand même rappeler que la France est souveraine et que si elle applique les recommendations de Bruxelles, jamais elle n’obéit au doigt et à l’oeil. Il y a des conseils européens qui se tiennent dans lesquels les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent et décident ensemble de la direction à prendre. La France, donc, n’est pas obligée d’obéir le doigt sur la couture du pantalon.
Selon Nicolas Dupont-Aignan, la France verserait énormément d’argent à l’UE et n’en recevrait que la moitié. C’est pourquoi, selon lui, l’Union européenne actuelle ne peut pas fonctionner et c’est aussi la raison pour laquelle il souhaite en sortir, et la transformer en une « Europe des Nations libres ». Pourtant, l’un de ses paragraphes démonstratifs de son programme indique vouloir « relev[er] les défis du vieillissement de la population en favorisant la recherche européenne contre la maladie d’Alzheimer, de Parkinson et le cancer ». Très bien, l’idée est bonne. Mais avec quel argent ? Si les Etats européens se cotisent, si la France verse tant à l’UE, c’est exactement pour cela : faire avancer les choses. Il semble par conséquent aller un peu vite et faire, une fois de plus, excès de démagogie.
Parce que je commence à en avoir assez d’entendre et de lire partout des horreurs sur l’UE, Voix d’Europe ne cessera d’expliquer les actions de l’Europe, ses politiques et son fonctionnement. Bien souvent, toutes ces fake news sont dites par des gens qui n’y connaissent rien, ou pire, qui ne font que répéter un discours déjà maintes fois entendu pour plaire au plus grand nombre. Que les Français ne s’y trompent pas : le 26 mai prochain, c’est un scrutin européen. Pas le 3è tour de l’élection présidentielle.
Chloé LOURENÇO