Séisme pour l’extrême-droite autrichienne. Le vice-chancelier Heinz-Christian Strache a annoncé samedi sa démission après la révélation d’une tentative de compromission en lien avec la Russie. Cette décision est un coup de tonnerre a 8 jours des élections européennes.
Samedi, Heinz-Christian Strache, chef de file de l’extrême-droite autrichienne, a été débarqué après avoir s’être compromis avec la pseudo-nièce d’un oligarque russe dans une mise en scène destinée à le confondre. Vice-chancelier depuis 18 mois, Heinz-Christian Strache, 49 ans, a annoncé sa démission lors d’une allocution à Vienne organisée dans l’urgence pour tenter de déminer un scandale qui fait vaciller le gouvernement de Sebastian Kurz. Le jeune chef du parti conservateur (ÖVP) est allié depuis 2017 avec le FPÖ, le parti de Heinz-Christian Strache.
Marchés publics contre soutien
« L’affaire d’Ibiza » est un coup dur pour le camp nationaliste européen avec la diffusion par deux médias allemands – Der Süddeutsche Zeitung et Der Spiegel – d’une vidéo tournée en caméra cachée il y a deux ans, du chef du FPÖ et d’une femme qu’il croyait liée à un influent oligarque russe. Tous deux discutent de la possibilité d’un soutien financier russe en échange de l’accès à des marchés publics autrichiens.
« J’ai fait une erreur et je ne veux pas que cela puisse fournir un prétexte pour affaiblir la coalition » a annoncé Heinz-Christian Strache lors de son allocution télévisée, improvisée dans l’urgence samedi soir. Dans les rangs du FPÖ, on dénonce déjà un complot visant à discréditer la formation d’extrême-droite en Autriche, mais aussi et plus largement sur l’intégralité de l’extrême-droite européenne. Le principal intéressé a même invoqué « la grande quantité d’alcool consommée » ce jour-là comme circonstance atténuante. Cela l’aurait conduit à tenir des propos « d’adolescent macho » pour impressionner la jeune fille, jusque’à tenir des propos « catastrophiques ». Heinz-Christian Strache de plus ajouté que cette rencontre était restée sans lendemain.
Quelques milliers d’opposants au gouvernement étaient réunis dans le calme devant la chancellerie à Vienne, réclamant des élections anticipées et le départ des cinq autres ministres FPÖ du gouvernement, dont le sulfureux ministre de l’Intérieur Herbert Kickl.
« Attentat politique ciblé »
Depuis son retour au pouvoir en 2017, le FPÖ est accusé de s’en prendre aux médias, notamment à la télévision publique ORF. L’homme fort du FPÖ explique également vouloir « construire un paysage médiatique similaire à celui d’Orban », en Hongrie. Dans ce pays, le Premier ministre Viktor Orban est critiqué pour avoir massivement porté atteinte au pluralisme de la presse.
Le rendez-vous d’Ibiza était en fait un coup monté pour piéger Heinz-Christian Strache, selon les médias allemands qui affirment ne pas savoir qui est derrière cette opération. L’ex-patron du FPÖ s’est dit victime « d’un attentat politique ciblé » et a promis une riposte judiciaire.
Mauvais augure pour les élections européennes à venir…
Selon les extraits publiés, Heinz-Christian Strache décrit également un mécanisme de financement occulte de campagne permettant de tromper la Cour des comptes. Il cite des dons allant de 500.000 à 2 millions d’euros et égrène le nom de grands patrons autrichiens qui financeraient le FPÖ. Le député Johann Gudenus, figure russophile du FPÖ, est chargé d’assurer la traduction des échanges. Le FPÖ avait signé avant son arrivée au pouvoir un accord de coopération avec Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, qui lui vaut des accusations récurrentes de liens troubles avec Moscou.
Johann Gudenus a démissionné samedi de son poste de chef du groupe parlementaire d’extrême droite. L’eurodéputé Harald Vilimsky, tête de liste du FPÖ pour les européennes, a annulé son déplacement samedi à Milan où le leader de l’extrême droite italienne Matteo Salvini réunit le camp nationaliste avant le scrutin du 26 mai.
Ce grand coup de pied dans la fourmilière aura au moins servi à montrer que les représentants des partis d’extrême-droite européenne ne sont pas si irréprochables qu’ils n’essayent de le faire croire. Personne en politique ne lave plus blanc que blanc…
Chloé LOURENÇO