Hématologue. Avancée scientifique. Femmes enceintes. Trois mots pour décrire la personnalité et l’histoire de Lucy Wills. Née il y a 131 ans, Google lui rendait hommage pour son anniversaire, vendredi 10 mai 2019 dans un de ses célèbres Doodle, les illustrations qui viennent illustrer son logo. On y voit la scientifique debout devant sa paillasse, une tartine placée devant elle. Une tartine ? Oui, une tartine. Explications de ce clin d’oeil.

Une enfance versée dans la science
Née en Angleterre le 10 mai 1888, Lucy Wills grandit dans une famille où la science occupe une place importante et profite des avancées de la médecine de la fin du XIXè siècle. Elle bénéficiera d’une solide éducation, notamment au Newnham College, une université pour femmes à Cambridge. Elle fera partie des premières femmes formées aux sciences et aux mathématiques, avant d’être diplômée en 1920 de l’école de médecine pour femmes de Londres. Elle se consacre alors à la recherche, notamment sur l’étude du métabolisme de la grossesse.

Un précédent voyage réalisé au Sri Lanka en 1913 à la mort de sa soeur lui a donné le goût de l’exploration et de la découverte. C’est donc naturellement qu’elle s’embarque pour les Indes à sa sortie de l’université. Dès le début de sa carrière, elle travaille auprès des femmes enceintes du Royal free hospital de Bombay, où elle s’intéresse particulièrement à l’anémie. Elle choisit de se pencher sur un phénomène très répandu chez les ouvrières de l’industrie textile de la région, l’anémie macrocytaire dûe aux carences alimentaires. Il s’agit d’un phénomène qui se produit quand les globules rouges sont plus grands que leur volume normal.
La pâte à tartiner comme remède
Pendant ses recherches, Lucy Wills note une corrélation entre les habitudes alimentaires des femmes enceintes et ce qu’on appelle alors l’anémie pernicieuse de grossesse. Elle remarque que ces femmes ne souffrent pas réellement d’anémie et suppose que leur maladie est liée à un facteur nutriotionel. A l’époque, elle le nomme « Facteur Wills », mais on le connaît aujourd’hui sous le nom d’acide folique, qu’on retrouve dans les vitamines B9 et B12. Ses découvertes mettent en avant le rôle des vitamines dans les carences en fer. Dans le cas d’une mauvaise alimentation, d’une mauvaise absorption ou d’une anémie pernicieuse, le manque de ces vitamines B9 et B12 entraîne effectivement une carence en fer. Si elle survient dans le cadre d’une grossesse, cette anémie peut conduire à des malformations pour le nourrisson à naître, notamment au niveau de la colonne vertébrale.

Lucy Wills oriente alors ses recherches vers une solution pour comblée ses carences en fer, et découvre, grâce aux essais cliniques qu’elle mène sur les animaux, que les levures font des miracles. Or à l’époque, le moyen le plus rapide et le moins onéreux pour se procurer des levures, est de consommer une pâte à tartiner très célèbre en Angleterre, la Marmite. Il s’agit d’une pâte au goût très fort, fabriquée à base de jus de légume, de sel et de levure. Certains vous diront que cette pâte est infecte, et force est de constater qu’ils ne sont pas loin de la réalité. Toutefois, les palais anglais doivent être fait différemment dans la mesure où ils sont pratiquement les seuls à apprécier le goût particulier de la Marmite. Ses découvertes font alors l’objet de publications dans le prestigieux British Medical Journal.
Une vie dédiée à la médecine
De retour en Angleterre, elle retourne travailler au Royal free hospital jusqu’en 1947. Elle y aura ouvert un département d’hématologie, la spécialité médicale qui traite des maladies du sang. Même après sa retraite, Lucy Wills continue de voyager pour étoffer ses travaux, notamment en Afrique du Sud et sur les îles Fidji.
Elle meurt en 1964. À cette occasion, le British Medical Journal écrit : « Chaque étudiant en médecine a entendu parler de sa découverte du traitement du facteur Wills par des extraits de levure, ouvrant la voie aux travaux extérieurs sur l’acide folique. C’était une simple mais remarquable observation, un point de repère dans l’histoire et le traitement des anémies nutritionnelles. » Et pourtant, les travaux de Lucy Wills demeurent bien souvent dans l’ombre…
Chloé LOURENÇO