Le voyagiste Thomas Cook, l’un des premiers en Europe, a fait faillite au début de la semaine, provoquant un séisme pour des millions de touristes éparpillés dans le monde. Créée il y a près de 180 ans, l’agence proposait des voyages de groupe pour un prix raisonnable. Avec sa chute, c’est également un modèle qui s’écroule, celui du tourisme de masse.
Habitué à vendre à des millions de touristes une destination de rêve sous les tropiques, Thomas Cook a plongé la semaine dernière ses clients dans un cauchemar sans fin. Et pourtant, cette fabuleuse histoire commence il y a près de 180, en 1941, lorsque son créateur -qui donnera son nom à l’entreprise- lance son premier voyage de groupe. Thomas Cook, un modeste homme d’affaires britannique, né en Australie organise le voyage en train entre deux villes britanniques pour les 500 membres d’une ligue anti-alcoolique. Le chemin de fer vient d’être inventé, la première ligne au monde reliant Livepool à Manchester étant inaugurée, le jeune homme décide d’ouvrir une voie jamais explorée auparavant.
Le voyage est littéralement pris d’assaut. Tout le monde s’arrache un billet pour profiter de ses excursions. Il est bientôt contraint de multiplier son offre pour satisfaire la demande. Et la machine, lancée à pleine vitesse, s’emballe. Voyant-là un excellent filon, il va proposer des tours pour parcourir le monde et ses grandes capitales.
C’est ainsi que naît la première agence de voyage au monde. Effectivement, jusque-là, on ne voyage pas par plaisir, sauf si l’on fait partie d’une toute petite élite -celle qui avait les moyens de se rendre sur la French Riviera en hiver, par exemple. Il faut rajouter à cela que Thomas Cook arrive dans une période de paix inattendue entre 1815 et 1914 qui autorise et facilite les déplacements. L’étalon-or, sur lequel sont basées toutes les monnaies est un système fiable qui permet la libre circulation de l’argent, et notamment de la livre sterling, monnaie la plus reconnue à l’époque de l’Empire britannique. Et pour finir, le jeune voyagiste profite allègrement des révolutions technologiques en matière de transport de personnes.
La naissance du tourisme
On pense bien sûr au rail, avec les chemins de fer qui assurent un très bon maillage et relient entre elles les villes d’Europe puis d’Amérique et d’Asie. Mais il y a également la route, dès lors qu’un Ecossais au nom célèbre, Mac Adam, inventera le revêtement du même nom. Alors qu’il fallait quatre à cinq jours pour se rendre de Manchester à Londres à la fin du XVIIIe siècle, 36 heures suffisent en 1820. L’empire d’Autriche ouvre 50.000 km de route entre 1830 et 1847. Le kilométrage de voies navigables quadruple sur la même période. Quant au bateau à vapeur, son efficacité explose avec l’invention de l’hélice à pales, qui augmente considérablement la vitesse des navires. Au milieu du 19ème siècle, le monde rétrécit. Et notre aventurier en profite.
Thomas Cook initiera les croisières sur le Nil, très prisées de l’aristocratie et de la bourgeoisie britannique. Il sera même à l’origine de l’hôtel Old Cataract à Assouan, maintenant géré par une entreprise française. A sa mort, c’est son fils qui reprend l’entreprise. Il proposera d’ailleurs les premiers vols aériens de loisirs. En 1928, grâce à l’aide du croisiériste Cunard, il vendra un tour du monde en bateau partant de New York pour l’équivalent de 50 000€ aujourd’hui.
Au fil du XXe siècle, à mesure que la classe moyenne se développe, l’entreprise prospérera. Elle aura traversé le règne de six souverains britanniques, deux guerres mondiales, et changé souvent de propriétaires. La voici désormais possiblement reprise par une entreprise chinoise qui possède déjà le Club Med, Fosun. Qu’en aurait dit la Reine Victoria, elle qui avait soumis la Chine, en 1842, presque au moment où Cook organisait son premier voyage ?
Avec la fin du règne Thomas Cook, c’est aussi le tourisme de masse qui prend fin. Ce mot, dérivé de l’anglais a d’ailleurs été inventé pour l’occasion. Ce modèle ne fait plus recette, à l’heure où l’écologie prime et où les voyageurs préfèrent un tourisme plus responsable. Qu’adviendra-t-il des quelques 600 000 touristes éparpillés tout autour du monde et des milliers de salariés ?
Chloé LOURENÇO