Il s’agit-là de la dernière mesure entérinée par la mandature 2014-2019. Réunis à Luxembourg, les ministres européens de la Justice ont adopté lundi une directive permettant de protéger les lanceurs d’alerte. Ce texte devra être transposé dans le droit national d’ici deux ans.
Pouvoir dénoncer un scandale de toute nature sans être poursuivi, c’est certainement le rêve de tout lanceur d’alerte. Depuis le 7 octobre dernier, c’est un rêve devenu réalité. Les ministres européens de la Justice étaient réunis à Luxembourg pour entériner une des dernières réalisations de la précédente mandature : un bouclier protégeant les lanceurs d’alerte. Chaque Etat membre aura, à compter de ce jour, un délai de 2 ans pour transcrire la nouvelle directive en droit national. Au-delà, les lanceurs d’alerte pourront dénoncer publiquement toute affaire qu’ils jugeront scandaleuse sans pour autant risquer des représailles.
Un bouclier nécessaire
Légiférer au niveau communautaire sur ce sujet était unanime, surtout après une série noire d’affaires retentissantes qui n’ont pas toujours fait du bien à l’Europe. LuxLeaks, diesel gate en Allemagne ou encore Panama Papers, tout le monde a entendu parler de ces scandales environnementaux ou financiers. Personne ne devrait risquer sa réputation ou son emploi pour avoir dénoncé des comportements illégaux », s’est félicitée la ministre finlandaise de la Justice, Anna-Maja Henriksson, dont le pays assure la présidence de l’UE, explique La Croix.
Pour que le bouclier soit une réussite, il faudra mettre en place des canaux de signalement. En bref, chaque citoyen pourra dénoncer tout acte illégal « qui peut causer un préjudice grave à l’intérêt public ». La directive pourra par ailleurs s’appliquer à toute sorte de sujets très divers. Elle concernera également les marchés publics, la sécurité des produits et des transports, la sûreté nucléaire, la santé publique, la protection des consommateurs et la protection des données. L’enjeu est aussi financier pour l’UE. Une étude réalisée en 2017 pour la Commission estime que l’absence de protection des lanceurs d’alerte générerait des pertes entre 5,8 et 9,6 milliards dans le seul domaine des marchés publics.
Protection sans condition
Aujourd’hui, seuls 10 pays ont une législation en faveur des lanceurs d’alerte, dont la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie. Mais avant de tomber d’accord à 28, les Etats ont longuement débattu autour de la procédure à suivre. La France par exemple, était favorable à ce que les informations divulguées le soient d’abord en interne, au sein de l’entreprise ou du marché concerné. Autrement dit, Paris préférait « laver son linge sale en famille » plutôt que de l’étaler tout de suite sur la place publique. Finalement, cette option n’a pas été retenue.
Les lanceurs d’alerte sont bien « encouragés à utiliser en premier lieu les canaux internes » à leur organisation, mais « ne perdront pas la protection dont ils bénéficient s’ils décident de recourir en premier lieu à des canaux externes ».
Les nouvelles règles obligent les autorités et les entreprises à réagir aux rapports des lanceurs d’alerte et d’y donner suite dans un délai de 3 mois, et prévoient la protection des personnes qui aident ces lanceurs d’alerte. Pour éviter toute mise en cause abusive, des amendes seront prévues en cas de déclaration mensongère ou malveillante, termine La Croix.
Chloé LOURENÇO