Jeudi dernier (24 octobre), le corps de l’ancien dictateur, Francisco Franco a été exhumé de la Valle de los Caídos (Vallée de ceux qui sont tombés, ndlr), érigé à sa gloire. Pedro Sánchez, socialiste et actuel chef du gouvernement espagnol, a tenu sa promesse de bouger le cercueil du Caudillo. Mais cela n’a pas plu à tout le monde.
Une mémoire oubliée
Franco est mort en novembre 1975. L’Espagne sort de près de 40 ans de dictature et reste traumatisée par la Guerre civile (1936-1939). Juan Carlos, hériter du Trône et filleul de Franco, est désigné comme son successeur.
Afin d’éviter de nouveaux conflits internes, la Transition démocratique se met en place. Juan Carlos, couronné, tente de satisfaire à la fois les franquistes et les traumatisés d’une des dictatures les plus violentes du XXème siècle.
Franco reçoit les honneurs. Sa famille n’est pas menacée ni exilée ni ruinée. Les auteurs de crimes ne sont pas punis. C’était le choix de l’Espagne : garantir la paix en ne jugeant (littéralement) personne. L’Espagne panse ses plaies, passe à autre chose, se modernise. Mais les blessures des victimes et de leurs familles ne cicatrisent pas vraiment.
Les revendications arrivent néanmoins au début des années 2000. Problème : les dirigeants de la droite (Parti populaire) sont toujours les anciens franquistes (ou phalangistes, de la Falange d’extrême-droite). Ils se refusent à reparler de ce passé, douteux mais que tout le monde a enterré avec le Caudillo.
En 2007, le gouvernement socialiste de Zapatero vote la loi de « Mémoire historique », premier pas vers la reconnaissance des méfaits du franquisme et de ses victimes. Les langues se délient et les indignations prolifèrent. Depuis, de plus en plus de politiques dénoncent la dictature et le fait que peu n’ait été fait pour punir les crimes. Jusqu’à l’année dernière.
Une exhumation 44 ans après
Pedro Sánchez n’a pas mâché ses mots en prenant ses fonctions de chef du gouvernement. Selon lui, Franco ne mérite pas sa place dans un mausolée, devenu lieu de culte. Il se met au travail et obtient de la justice l’été dernier l’exhumation du dictateur et son placement dans un cimetière de Madrid à 60 km de là. La famille Franco s’indigne, logiquement.
44 ans après, cela peut paraître en effet bien trop tard pour s’atteler à changer les choses.
Jeudi 24 octobre, la famille de Franco assiste à l’exhumation du patriarche. L’événement fait la une de l’actualité en Espagne et dans toute l’Europe. Son petit-fils, Louis de Bourbon (et prétendant au trône de France), a créé la polémique en traitant cet acte d’« inqualifiable ».
Cet événement marque une prise de décision historique pour un gouvernement post-franquisme. 45 ans après, les Espagnols n’ont plus peur d’affronter leur passé et de parler librement des horreurs et des conséquences d’une dictature qui a fait des millions de morts, disparus ou déplacés.
Cela montre que l’Espagne reste toutefois divisée sur le sujet. Les Espagnols n’ont pas d’avis définitif. La plupart ne se prononcent pas. Mais les franquistes dénoncent l’exhumation, les socialistes sont ravis et la presse est plus que jamais divisée.
L’Espagne ne doit pas plonger dans l’oubli mais il est sans doute trop tard pour réparer l’Histoire.
Wassila ZOUAG