Commission Juncker : l’heure du bilan

Président de la Commission européenne depuis 2014, Jean-Claude Juncker a passé le flambeau à Ursula von der Leyen le 1er décembre 2019. Quel bilan peut-on tirer de ses cinq années à la tête de l’exécutif européen ?

Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre et Ministre des finances luxembourgeois, était élu en 2014 Président de la Commission européenne pour un mandat de cinq ans. Son entrée au pouvoir s’était alors effectuée dans un climat peu propice après la crise économique et financière de 2008 et le faible taux de participation aux élections européennes. Il le concédait d’ailleurs lui-même dans son dernier discours devant l’hémicycle européen le 22 octobre dernier. « Quand j’ai pris les rênes de l’Europe en 2014, elle était mal aimée » disait-il, ajoutant que « L’Europe était en panne, à un moment crucial. ». Lors de son arrivée en poste, Jean-Claude Juncker avait même qualifié sa commission de « commission de la dernière chance ».

L’Europe, « la plus grande affaire de ma vie »

Chrétien-démocrate, tête de liste du groupe conservateur Parti Populaire Européen (PPE), Jean-Claude Juncker a été le premier à remporter la présidence selon le principe des « Spitzenkandidaten ». Disposant de ce fait d’une certaine légitimité politique, il avait souhaité relancer le projet européen en faisant de l’Europe, une Europe plus politique tout en générant de la croissance, de l’emploi et de l’investissement.  

Polyglotte, artisan de la monnaie unique, Jean-Claude Juncker est sans conteste un fervent européen. C’est bien l’Europe qui aura été « la plus grande affaire de sa vie », comme il l’a lui-même dit. 

Commission Juncker : un bilan positif…

Entrée en poste après la crise économique et financière de 2008, alors que l’Union européenne (UE) souffrait d’un déficit d’investissement, Juncker lançait en 2015 le Plan d’investissement pour l’Europe, aussi appelé le « Plan Juncker ». Regardé comme l’un de ses plus grands succès à la tête de la Commission, ce Plan avait pour objectif de relancer l’investissement et l’industrie dans les pays de l’UE. Il a permis de garantir aux investisseurs un meilleur remboursement de pertes éventuelles via l’instrument du Fonds européen pour les investissements stratégiques. En 2018, l’objectif affiché de 315 milliards d’euros d’investissement était non seulement atteint mais aussi dépassé avec 335 milliards d’euros générés en juillet de la même année. Le Plan Juncker a d’ailleurs été reconduit jusqu’en 2020. 

Selon les « Décodeurs de l’Europe » de la Représentation de la Commission européenne en France, le Plan Juncker a permis de mobilier 70 milliards d’euros d’investissements pour soutenir des projets d’infrastructure ou pour faciliter l’accès au financement de 240 000 PME. 

D’autres réussites viennent compléter le tableau. La fin des frais d’itinérance, aussi appelés frais de roaming en fait partie. Grâce à cette suppression, les citoyens de l’UE peuvent depuis 2017 appeler au même tarif depuis un autre pays de l’UE. 

Sur les questions défense, le lancement du Fonds européen de défense en 2017 peut également être considéré comme une avancée. Outre sa portée symbolique, l’objectif de ce fonds est notamment de rationaliser les dépenses militaires des Etats membres ou encore, d’organiser des programmes de recherche communs.

Le lancement du Corps européen de solidarité a également ponctué l’actualité de la Commission Juncker. Celui-ci permet aux jeunes européens âgés de 18 à 30 ans d’effectuer des missions de 2 à 12 mois au sein d’associations ou d’ONG en contre partie de la prise en charge des frais de voyage et d’une indemnité mensuelle. 

Depuis 2017, la « carte bleue » européenne, comparable à la carte verte américaine, a permis notamment à des réfugiés et demandeurs d’asiles de bénéficier d’un permis de séjour pour les travailleurs hautement qualifiés venant de pays tiers. Ce texte mérite d’ailleurs d’être salué comme l’un des rares à avoir remporté le soutien nécessaire dans le contexte de « crise migratoire » de l’UE.

…mais ébranlé par des crises

En poste lors de l’arrivée massive de migrants aux portes de l’Europe en 2017, Juncker a su proposer au pic de la crise des solutions afin de soulager l’Allemagne, l’Italie ou encore la Grèce. Malheureusement, l’idée d’une répartition des migrants par quota par Etat-membre n’aura su convaincre les 28 qui n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur une des règles européennes en matière de gestion des réfugiés et des demandeurs d’asile. 

Et ce n’est pas le seul dossier sur lequel l’ancien Président Juncker s’est confronté au manque de volonté des Etats. Si sur les questions fiscales, il est parvenu à renforcer considérablement l’échange d’informations entre administrations fiscales, il n’a pu aller plus loin concernant l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés ou encore sur la fin de la règle de l’unanimité en matière de fiscalité. 

Le Président de la Commission s’est également heurté au même refus de coopérer sur l’avancée des droits sociaux. Alors que les règles encadrant le détachement des travailleurs ont bien été modifiées, l’harmonisation visée n’est toujours pas à l’ordre du jour. A titre d’exemples, un niveau élevé de rémunération du congé parental n’a pas pu être instauré et le Socle des droits sociaux ne revêt toujours pas de caractère juridiquement contraignant. 

Pour finir, son mandat aura été ébranlé par une crise sans précédent : le Brexit. Pourtant, l’ancien Président aura su faire face, notamment avec l’aide de Donal Tusk, président du Conseil européen. En nommant Michel Barnier comme négociateur en chef et en fixant les limites à ne pas franchir, il a su imposer un front uni avec les 27 autres Etats membres. 

En conclusion, Européen convaincu, le mandat de Jean-Claude Juncker, bien que traversé de crises, reste considérable ! L’ancien Président terminait son dernier discours devant les parlementaires européens par ces mots : « Je vais quitter mon poste. Je ne suis pas particulièrement heureux mais j’ai le sentiment de m’être démené. Je suis fier qu’au cours des cinq dernières années j’ai pu apporter ma contribution […] Vive l’Europe ! »

 Article rédigé par le Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris et publié en partenariat avec Voix d’Europe le 15/01/2020.

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