Le Week-end dernier, la 92ème cérémonie des Oscars a couronné le film sud-coréen Parasite. Si l’ambiance semblait au rendez-vous lors de la célèbre montée du tapis rouge, en coulisse l’histoire était un peu différente. Effectivement, la cérémonie a été parasitée par les rivalités croissantes entre Netflix et Hollywood. Le palmarès ne le montre pas, mais cette année, Netflix était 3 fois plus présente aux Oscars qu’en 2018 et concourrait dans 24 catégories, contre 23 pour Disney. Gros plan
Tout le monde le voyait gagnant, il est finalement reparti bredouille. The Irishman, film produit par Netflix et dont tout le monde s’accordait à dire qu’il sacrerait l’immense Martin Scorcèse, n’a pas été à la hauteur des attentes. Cela montre en réalité les spasmes que subit l’industrie du grand écran depuis plusieurs moi, refusant de voir la part grandissante de Netflix dans l’économie du 7ème art.
Par exemple, Netflix a, cette année, remporté une précieuse statuette dans la catégorie « documentaire », en co-production avec le couple Obama (ce qui a probablement permis de donner un coup de pouce). Cette production raconte le destin d’une usine américaine basée dans l’Ohio et rachetée par des Chinois. Son nom ? American Factory. Une demie-victoire pour Netflix, puis qu’avec cette récompense offerte à un documentaire, elle reste cantonnée aux frontières du cinéma. Autrement dit, Netflix ne fait pas du vrai cinéma, Hollywood si.
Netflix, Hollywood : deux façons de faire
Dans le monde très fermé du cinéma, Netflix fait office de nouveau riche. Et comme tout nouvel arrivant, elle essaye désespérément de s’acheter une image à Hollywood et de se faire, elle aussi, une place au soleil afin de peser davantage. Pour y arriver, et pour avoir le droit de participer aux Oscars, elle n’hésite donc pas à racheter des salles de cinéma à Los Angeles et à New York. Ainsi, elle peut diffuser ses propres productions, condition sine qua non requise par l’Académie des Oscars.
Pour augmenter ses chances et se démarquer de son principal adversaire, Netflix se tourne également vers le cinéma d’auteurs, alors qu’Hollywood place tous ses pions sur les suites de suites telles qu’Avengers ou Star Wars pour faire de l’argent. Une façon pour Netflix de s’offrir une image de respectabilité.
Tout cela montrer que les grands équilibres économiques ont changé. Netflix va investir en 2020 17 milliards dans la production de contenus exclusifs pour ses abonnés et se transforme petit à petit en producteur incontournable. A contrario, Disney devient un diffuseur en annonçant posséder un peu plus de 28 millions d’abonnés sur sa plateforme de vidéos.
Le format qu’offre Netflix lui permet de booster ses vues. Par exemple, en 2019, le plus gros succès mondial s’appelle Avengers : la brochette de super-héros avait réussi à entraîner 85 millions de personnes dans les salles obscures. The Irishman de Scorcèse -qui concourait aux Oscars sous les couleurs de Netflix- a été vu par 40 millions de personnes en quelques semaines seulement. C’est absolument vertigineux et c’est pourquoi Hollywood ferait bien de prendre Netflix au sérieux.
Vers une mort programmée d’Hollywood ?
Au sortir de cette 92ème cérémonie des Oscars, certains se demandent peut-être si Netflix n’est pas en train de tuer Hollywood, en donnant une nouvelle jeunesse à l’industrie du cinéma. On pourrait presque dire qu’avec Netflix, le 7ème art se dirige doucement mais sûrement vers le 2.0. Aujourd’hui, on peut regarder un film sur son ordinateur ou sur son portable, confortablement installé dans son canapé ou partout ailleurs. Entre 2015 et 2018, la fréquentation des salles a baissé de 20% chez les 25/49 ans. Bien sûr, le prix du billet en est probablement un peu la cause, mais on ne peut pas nier que le streaming, à l’instar des cassettes vidéos puis des DVDs ont vidé progressivement les cinémas. Si on ne produit pas moins de films, on fait évoluer le support sur lequel on les regarde.
Chloé LOURENÇO