Réunis en sommet européen depuis 5 jours, les dirigeants de l’UE se rapprochent ont trouvé cette nuit un accord, mettant ainsi fin au plus long sommet européen jamais organisé depuis la création de l’Union. Explications.
Un rapprochement, mais pas encore un accord. C’est ce qui ressortait de la salle de négociations du Sommet européen commencé il y a 5 jours déjà. De nombreuses divergences demeuraient encore entre les Etats membres qui peinaient à accorder leurs violons. C’est désormais chose faite ! Non sans difficulté, les 27 sont tombés d’accord, mais au prix de concessions tant du côté des Etats moins généreux que du couple franco-allemand
Demande des Etats Frugaux
Les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark, appelés « les Quatre Frugaux », restaient campés sur leurs positions. Selon eux, les subventions accordées aux Etats les plus durement affectés par le Covid étaient trop importants. Et c’était bien le cœur du problème, puisque ces Etats ont été moins touchés par la crise sanitaire que nous venons de vivre. Moins concernés, ils se disent également meilleurs gestionnaires que leurs partenaires du Sud, jugés souvent de laxistes en matière budgétaire.
Si pour les quatre Etats du Nord, l’addition était trop salée, pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, le plan n’était pas assez ambitieux. Ces pays d’Europe du sud commençaient tout juste à sortir la tête de l’eau, 10 ans après la crise économique qui avait frappé l’Europe de plein fouet. Ils demandaient donc un plan plus important pour relancer leurs économies, affaiblies par la crise sanitaire et le confinement.
Charles Michel, président du Conseil européen, a donc présenter dans la nuit une nouvelle proposition : réduire l’enveloppe de subventions de 500 milliards à 390-400 milliards d’euros. Il a également dû revoir à la baisse la contribution des Etats frugaux, qui jugent leur participation au budget trop importante. Le président du Conseil a pu tweeter « Deal » tôt ce matin, comme des soupirs de soulagement.
L’UE fait face à la pire récession de son histoire, puisque selon les dernières estimations, la production économique devrait chuter de 8,3% dans l’UE, et jusqu’à 10% dans les pays les plus durement touchés. Un record.
Frein d’urgence et contrôle des fonds alloués
La Commission européenne a formulé des recommandations auprès des Etats membres, sur lesquelles ces derniers doivent s’aligner. Suite aux réformes nationales mises en place, le Conseil européen décidera -ou non – de débourser l’argent.
Mais pour les Pays-Bas, cela ne suffisait pas pour s’assurer du bon usage des fonds par les Etats bénéficiaires. Le Premier ministre, Mark Rutte, demandait à ce qu’un frein d’urgence soit également mis en place. Grâce à ce mécanisme, tout Etat qui douterait de l’utilisation des fonds pourrait en faire part à l’Eurogroupe. La trésorerie serait alors gelée le temps d’investiguer et de prendre une décision définitive.
Les Pays-Bas ont été les seuls à demander la mise en place d’un tel dispositifs, mais ils ont toutefois été rapidement rejoints par d’autres « radins » au sein de l’UE : la Suède, la Finlande, le Danemark et l’Autriche. Ces derniers se sont battus avec acharnement pour diminuer leur part de contribution au budget européen. Moins touchés par la crise sanitaire, ils ne voient pas pourquoi ils contribueraient beaucoup.
Charles Michel appelait hier matin les Frugaux à se montrer raisonnables afin de ne pas laisser apparaître l’image d’une Europe désunie. Sa demande a visiblement été entendue, puisque dès la reprise des négociations, lundi midi, les principaux concernés, Pays-Bas en tête, semblaient moins fermés à certaines options.
Une tension au sommet
Ces dernières heures, une tension palpable s’est fait sentir ouvertement entre Etats membres. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont même menacé de quitter la table des négociations si les obstacles à l’obtention d’un accord subsistaient encore longtemps.
La réunion a été si longue que le Luxembourgeois Xavier Bettel a eu le temps de retourner dans son pays le temps d’une réunion d’urgence sur la recrudescence de Covid-19.
Une piqûre de rappel qui vient souligner que la pandémie, bien que ralentie, est encore loin d’être finie.
Accord signé !
« Nous avons un accord. Et un bon accord ! Avec un budget 2021-2027 de 1 074 milliards et un plan de relance de 750 milliards, jamais l’Union européenne n’avait décidé d’investir de manière aussi ambitieuse dans l’avenir », a expliqué la Première ministre belge Sophie Wilmes. Le plan prévoit un plafond de 750 milliards d’euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Ensuite, 390 milliards d’euros seront accordés aux Etats les plus touchés par la pandémie sous forme de subventions : ce sera la dette commune à rembourser par les 27.
Cette émission de dette commune est une première en Europe, ce qui prouve bien, selon les dire de plusieurs dirigeants européens et de Charles Michel, que l’Europe fonctionne. Interviewé dimanche soir par France Info, Yves Bertoncini, président du Mouvement européen, expliquait que l’Europe est comme une famille. Si on ne tombe pas toujours d’accord du premier coup, si parfois des discussions plus tendues émergent, une solution, un compromis est toujours trouvé entre les 27.
Ce plan fait partie du budget 2021-2027 de l’UE, qui prévoit une dotation de 1 074 milliards d’euros, soit environ 154 milliards d’euros par an.
Les sources de tension n’ont pas manqué au cours de ce sommet marathon. Emmanuel Macron a notamment haussé le ton pour dénoncer la mauvaise volonté et les « incohérences » des frugaux. Mais le sommet a aussi été l’occasion d’une relance spectaculaire du couple franco-allemand, après des mois d’impatience et de frustrations réciproques, et du même coup du projet européen, ébranlé par la crise du Covid-19.
Chloé LOURENCO