L’Europe décide-t-elle vraiment de tout ?

En France, on parle très peu de l’Europe, et lorsqu’on en parle, on a souvent tendance à très mal en parler. Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses fake news circulent dans le pays, notamment sur le fait que l’Europe, cette organisation « bruxelloise horrible », décide de tout. La France n’a plus son mot à dire sur les lois nationales, vraiment ? Avec les Décodeurs de l’Europe, Voix d’Europe vous explique pourquoi ce n’est pas vrai !

20% et pas 80% !

Avant de se demander si l’Europe décide vraiment de tout pour les Français, il est bon de se demander à quelle hauteur elle intervient dans les affaires internes de l’Hexagone. Personne ne peut croire que l’UE est à l’origine de 100% de nos lois, sinon la France n’existerait tout bonnement plus, mais s’appellerait l’Europe. Les principaux détracteurs de cette dernière chiffrent à peu près à 80% le taux de lois imposées par l’UE à la France – ou tout autre Etat membre.

Et pourtant, il n’y a que 20% des lois françaises qui ont été décidées par Bruxelles. Il s’agit bien sûr d’une moyenne, dans la mesure où ce chiffre peut monter jusqu’à 40% dans certains secteurs (agriculture, pêche ou environnement par exemple) et ne pas excéder 5% dans d’autres, tels que le logement.

On pourrait se demander pourquoi il existe une telle différence. La réponse est cependant très simple : l’Europe cherche la cohérence. Effectivement, elle souhaite que l’ensemble de ses Etats membres aient une politique identique, ou du moins la plus identique possible. Les 27 sont beaucoup trop différents culturellement pour imaginer qu’ils adoptent tous la même politique, et ce n’est même pas ce que recherche l’Union européenne ! En revanche, elle souhaite rapprocher les législations de ses membres afin d’avoir une certaine cohérence au sein de l’Union. C’est pourquoi elle intervient fortement dans certains secteurs, et nettement moins dans d’autres.

Et quels sont ces fameux secteurs où l’influence de l’UE serait beaucoup plus faibles ? Et plus radicalement, comment sont-ils choisis ? Pourquoi l’UE intervient davantage pour l’agriculture et presque pas dans l’éducation ou la défense ? La réponse est simple : elle intervient dans des secteurs qui lui ont été délégués par les Etats membres.

Chaque membre de l’UE a donné une partie de son pouvoir à l’organisation afin qu’elle agisse dans des domaines précis. Par conséquent, il est normal que l’UE prenne se pouvoir et soit à l’origine de certaines lois nationales. En revanche, tous les domaines régaliens (défense, fiscalité, éducation ou encore protection sociale) sont encore gérés par les Etats membres, imposant à l’Europe de ne pas intervenir trop.

Règlement vs Directive

Pour bien comprendre le mécanisme, il est nécessaire de faire la différence entre un règlement européen et une directive. Ainsi, on voit bien que l’UE ne décide pas de tout.

Un règlement est directement applicable dans l’Etat membre -ici en France. Il n’y a pas de transcription dans le droit français, puisque la France a l’obligation de la mettre en place. Dans le cadre d’un règlement européen, la mesure aura été décidée, débattue puis adoptée par les représentants des citoyens, au Conseil européen (composé de chefs d’Etat et de gouvernement) et au Parlement (composé de députés européens élus par les citoyens).

Une directive est beaucoup plus souple. Elle vise à harmoniser au maximum la législation européenne sans pour autant imposer de façon trop brutale une décision à un Etat membre. Elle pourrait s’apparenter à un cadre dans lequel la France aurait une certaine marge de manoeuvre afin de transcrire la directive dans son droit national. De cette façon, l’Etat peut décider d’être plus ou moins strict dans l’interprétation et le choix des moyens pour atteindre les objectifs européens.

De plus, il faut garder à l’esprit que dans les périmètres des compétences que les Etats membres ont décidé souverainement de déléguer à l’UE.

L’UE propose, la France dispose

En Europe, la Commission européenne -qui joue le rôle de gouvernement- propose une législation particulière. Toutefois, cette législation ne sera jamais imposée aux Etats membres, dans la mesure où elle sera débattue, amendée et enfin votée et adoptée par les représentants des citoyens. D’où l’importance pour les citoyens d’aller voter aux élections européennes à chaque fois qu’on leur en donne la possibilité. Choisir ses représentants, c’est aussi choisir qui va nous défendre et comment.

L’Europe n’est pas un monstre qui n’en fait qu’à sa tête et refuse d’écouter ses Etats membres. Elle n’agit pour eux que lorsqu’elle sait qu’elle apportera une valeur ajoutée, sinon elle laisse faire. Dans le cas par exemple, de qualité de l’eau, elle n’imposera jamais une législation trop stricte à un Etat si ses voisins ne respectent pas les mêmes règles. C’est pourquoi elle cherche toujours une approche commune au niveau européen afin de garantir les mêmes chances à tous les Européens.

CQFD.

Alors, vous voyez bien que l’UE ne décide pas vraiment de tout !

Chloé LOURENÇO

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