L’ombre d’Ankara plane sur Chypre du Nord

Dimanche 11 octobre 2020, les Chypriotes du Nord se sont rendus aux urnes afin d’élire leur président. Proclamée en 1983, la République turque de Chypre du Nord représentent environ un tiers de la superficie totale de l’île méditerranéenne, mais n’est reconnue que par la Turquie, son plus proche voisin. Cette petite île méridionale d’à peine 9250 km² est un pays profondément divisé par un conflit qui dure depuis 42 ans et qui oppose les Chypriotes grecs au sud, et les Chypriotes turcs au nord. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de l’Allemagne au moment de la signature du traité de Rome, en 1957.

Résultats en demie-teinte

En 1974, un conflit éclate à Chypre, après un coup d’Etat qui visait à rattacher Chypre à la Grèce. Depuis lors, la Turquie occupe militairement le Nord de l’île, et sont les seuls à reconnaître l’existence de cette République autoproclamée. Dimanche dernier, les habitants de cette partie étaient appelés à voter pour élire leur président. Avec 58 % de votants parmi les 199 000 électeurs inscrits « contre 62 % en 2015« , la participation était en baisse, note Le Point.

L’actuel Premier ministre est arrivé en tête du premier tour. Ouvertement attaché à Ankara, il milite notamment pour la fin des négociations de réunification des deux moitiés de l’île. « La RTCN et son peuple forment un Etat […] Nous méritons de vivre sur la base d’une souveraineté égale« , a-t-il ainsi déclaré à l’issue des résultats. Mustafa Akinci, Président sortant de centre-gauche, arrive à se placer deuxième, avec 29% des voix. Préoccupé par la santé fragiles des Chypriotes du Nord face à la pandémie actuelle, ce dernier est en froid avec le chef d’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, et dénonce l’intervention de la Turquie dans cette élection.

D’après Toute l’Europe et Les Echos, il serait toutefois en meilleure position pour l’emporter au second tour. Le troisième homme de cette élection, Turfan Erhuman, partage avec lui une vision sociale-démocrate et une volonté de réunifier l’île divisée sous forme d’un Etat fédéral.

Une élection surveillée par Ankara

Cette élection serait passée tout à fait inaperçue dans d’autres circonstances, si les résultats n’avaient pas été bouleversé par le jeu politique turc. Le scrutin s’est tout d’abord déroulé « sur fond de tensions en Méditerranée orientale autour de l’exploitation d’hydrocarbures entre Ankara et Athènes, principal allié de la République de Chypre qui exerce son autorité sur les deux tiers sud de l’île et est membre de l’Union européenne », rappelle Courrier International.

La principale inquiétude viendrait de la réouverture annoncée par la RTCN de la ville fantôme de Varosha. Dans les années 1970, cette ville, surnommée le « Saint-Tropez de la Méditerranée », était très populaire, tant pour ses nuits endiablées que pour ses plages de rêves. Mais suite au coup d’Etat, elle fut vidée de ses habitants et fermée définitivement par l’armée turque. Depuis, après une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, personne ne put pénétrer dans cette ville, devenue le symbole de la division de Chypre. Or, le 7 octobre, le Premier ministre actuel Ersin Tatar a annoncé unilatéralement sa réouverture.

Une décision qui a suscité de nombreuses réactions à travers le monde. Pour le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères Josep Borrell, ces agissements constituent des « violations sérieuses » de la résolution des Nations unies. « Le problème a également été soulevé dans des discussions entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, au cours d’une vidéo-conférence jeudi matin« , rapporte le Cyprus Mail.

Dans tous les cas, il s’agit d’un mauvais signe pour la réconciliation, déjà mise à mal il y a peu par les tentatives d’ingérences turques dans la Méditerranée.

Chloé LOURENÇO

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