Rescapée de la Shoah, la sénatrice à vie italienne Liliana Segre 89 ans fait aujourd’hui la une des journaux car mise sous protection policière après qu’elle a reçu une avalanche de menaces ces dernières semaines. Nous revenons sur son histoire extraordinaire.
Une enfance heureuse
Née à Milan le 10 septembre 1930, Liliana Segre est la fille Alberto Segre et Lucia Foligno cette dernière meurt alors que Liliana n’a même pas un an. Elle vit avec son père et ses grands-parents elle raconte d’avoir eu une vie heureuse jusqu’à ses huit ans lorsqu’elle est victime des lois raciales fascistes qui l’obligent à quitter l’école primaire en septembre 1938. Elle apprend alors qu’elle est juive et que ce n’est pas bien vu.
Le 7 décembre 1943, alors que l’Allemagne nazie contrôle le nord de l’Italie, Liliana, son père et deux de ses cousins fuient en Suisse. Ils se feront cependant arrêter le lendemain matin dans le canton du Tessin et seront renvoyés en Italie où ils seront ensuite arrêtés. Le 30 janvier 1944, elle est déportée avec son père en Allemagne, à partir de la Gare de Milan-Centrale au camp de concentration de Birkenau-Auschwitz son père y mourra en avril 1944. Ses grand-parents furent également arrêtés malgré qu’ils ne se soient pas enfuis, ils seront également déportés à Auschwitz et sont tués le jour de leur arrivée dans le camp.

75190 c’est le numéro qui lui sera tatoué sur l’avant-bras.
C’est en janvier 1945 que les choses commencent à bouger, après avoir évacué le camp de concentration d’Auschwitz pour échapper à l’avancée de l’Armée rouge, les Nazis transférèrent 56 000 prisonniers à pied à travers la Pologne vers le nord, parmi ses prisonniers il y avait Liliana Segre. Elle doit alors affronter une des marches de la mort pour arriver au camp de femmes de Ravensbrück puis à celui de Malchow, dans le nord de l’Allemagne, elle y reste jusqu’à sa libération le 1er mai 1945 cependant elle ne rejoindra Milan qu’en août 1945.
Du silence au sénat à vie
Il faudra attendre 45 ans avant d’avoir un premier témoignage de la part de Liliana Segre sur ses années passées à Auschwitz, c’est en effet à partir de 1990 que Liliana participe à des rencontres avec les élèves des écoles milanaises, témoignant de son expérience d’ancienne déportée et elle ne s’arrêtera plus, elle portera son témoignage partout avec comme objectif de diffuser des valeurs de tolérance, d’antiracisme (elle se battra surtout pour la communauté rom italienne souvent cible de l’extreme droite italienne).
Le 19 janvier 2018, le président de la République italienne Sergio Mattarella, la nomme sénatrice à vie conformément à l’article 59 de la Constitution italienne pour rendre hommage à son histoire mais surtout pour son travail contre le racisme durant toute ses années. Cette reconnaissance est cependant amère car de nombreuses menaces commencent à arriver peu après et une enquête est ouverte par le pôle antiterroriste, les militants d’extreme droite toujours fortement présent dans la politique italienne sont généralement à la base du discours haineux contre Liliana Segre. En 2019 Liliana Segre propose au Sénat la création d’une commission pour lutter contre les phénomènes de racisme, d’antisémitisme et d’incitation à la haine et à la violence sur des bases ethniques et religieuses, cette initiative est adoptée par 151 voix pour et 98 abstentions (les abstentions sont de la droite et de l’extrême droite).
Aujourd’hui Liliane Segre continue de témoigner sa vérité et travailler contre toute discrimination mais elle est encore sous protection policière due au grand nombre de menaces à son encontre.
Natacha Da Rocha