
« Les Droits de l’Homme ne sont pas à vendre à n’import quel prix » exprime Ursula Van der Leyen lors de son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2021. Par cette phrase, la présidente de la Commission européenne dénonce les multinationales qui recourent au travail forcé, par exemple à travers leurs sous-traitants en Chine, qui exploitent le peuple Ouïgours pour la confection de vêtements. À la suite de cette promesse, la Commission européenne, en lien avec le discours d’Ursula von der Leyen, a annoncé le 13 septembre 2022 un projet de lutte contre le travail forcé afin de dissuader les entreprises de commercialiser des produits issues du travail forcé sur le marché européen.
Qu’est-ce que le travail forcé?
« Tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu n’est pas réalisé de plein gré ». La convention sur le travail forcée de 1930 désigne ce travail comme une situation dans laquelle des personnes sont contraintes par le recours à la violence, l’intimidation ou tout moyens de manipulation à l‘effectuer. La définition émise par la convention de 1930 désigne trois éléments qui constituent le travail forcé:
- il faut un élément de travail, quels qu’en soient l’activité ou le secteur ;
- un élément de menace d’une peine quelconque est nécessaire, c’est-à-dire une contrainte forçant quelqu’un à travailler (manipulation de dettes, rétention de papiers d’identité ou la menace de dénonciation aux autorités migratoire);
- il doit y avoir une absence d’un consentement, ce qui signifie qu’une personne ne pourrait ni choisir de travailler de manière libre et éclairée ni de décider de quitter son emploie quand il le souhaite.
Aujourd’hui, le travail forcé, aussi qualifié d’esclavage moderne, est encore présent dans de nombreux secteurs comme le travail agricole, l’industrie et le travail du sexe. Selon les chiffres de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 28 millions de personnes dans le monde travaillent dans la contrainte. Certain pays, comme les États-Unis, ont interdit en juin l’importation de certains produits (par exemple le coton, les tomates ou des composants de panneaux solaires) provenant d’une région chinoise où des Ouïgours sont soumis au travail forcé.
Le projet contre le travail forcé dans l‘UE
Afin de lutter contre ce phénomène, les institutions européennes tentent de mettre en place des mécanismes et protocoles juridiquement contraignant dans le but de limiter au mieux sa mise en place (intervention du parlementaire européen Raphael Glucksman). . Le 13 septembre, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement qui prévoit dans son article 3 d’empêcher les opérateurs économiques de mettre sur le marché de l’Union des produits fabriqués (entièrement ou en partie) grâce au travail forcé, et ni des les exporter. Ce projet interdit donc la commercialisation et l’importation de produits utilisant le travail sous contrainte, et cela, à n’importe quel stade de leur production (fabrication, récolte, extraction, etc.). Néanmoins, l‘article 1 du règlement précise que ce texte juridique ne vise pas à atteindre les produits qui sont déjà achetés par les consommateurs.
D’autre part, la Commission européenne veut, à travers du chapitre 2 du projet de loi, créer la possibilité de retirer des produits du marché intérieur qui sont issus du travail imposé. Cette possibilité se fait à travers d‘un processus d’enquêtes des autorités nationales sur le retrait de produits à la frontière. En effet, ce blocage se fera après décision des autorités nationales compétentes qui auront mené une enquête. Tous les États membres seront tenus de désigner une ou plusieurs autorités compétentes chargées d’exécuter les obligations du règlement. Celles-ci pourront notamment se baser sur un signalement d’une personne ou d’une association, les rapports des ONG, de l’OIT et des données mises à disposition par la Commission européenne pour enclencher la phase d’enquête. Il est à noter que la version provisoire du projet de loi ne mentionne pas de délai maximal d’enquête, mais les autorités doivent clôturer et prendre une décision dans un « délai raisonnable ».
La mise en place d’un réseau de communication
Afin de coordonner les autorités des 27 États membres, l’article 24 de la proposition de loi devrait créer un « Réseau de l’Union contre les produits du travail forcé » qui sera composé de représentants des autorités compétentes des États membres, de représentants de la Commission européenne et des experts des autorités douanières. Le but de cette plateforme et d’éviter les doubles enquêtes en permettant aux États membres d’échanger les informations. Malgré cette bonne initiative, le Parlement européen craint tout de même une mise en œuvre fragmentée dans les États membres.
Une fois présentée, la législation doit être approuvée par le Parlement européen et les États membres, puis publié. Deux ans après sa publication, elle doit être transposée en droit national et donc entrer en vigueur.
